A beautiful mess || Raf & Zayan #7

Pour la centième fois au moins, Zayan pose le regard sur l’écran de son smartphone et laisse son sourire s’agrandir encore un peu. Ils sont là, enfin. Après toutes ces années, tous les sacrifices, ces quelques lettres qu’il n’espérait plus brillent sur le petit écran, lui annoncent la bonne nouvelle : il a gagné assez de points et appartient désormais à la Caste 2. Dans le fond, ça ne change pas grand chose. Il avait déjà un appartement et un travail parfaitement convenables, mais il se sent un peu plus vivant, un peu plus à sa place dans cette société qui ne semble pas tellement vouloir le rejeter. C’est un pas de plus vers la vie dont il a toujours rêvé, quelques avantages d’importance, une occasion d’aller encore plus loin. Il n’est plus un moins que rien oublié du reste du monde, il appartient à cette société. Enfin !

La voix désarticulée d’E.V.A s’élève au-dessus des conversations et des bruits de la ville, annonçant aux passagers qu’ils arrivent au Centre de Loisirs Nord et, presque contre son gré, Zayan range son téléphone dans la poche de sa veste pour se joindre à la foule qui descend à cet arrêt. Il sautille presque tandis qu’il parcourt les quelques mètres entre l’arrêt de tram et les portes de l’immense zone commerciale où Rafaël lui a donné rendez-vous. Ils sortent rarement dans des endroits comme celui-là, le centre étant pourtant abordable à toutes les castes ou presque, mais… Leurs rendez-vous se tiennent généralement chez l’un ou l’autre et presque jamais ailleurs. Ce ne sont jamais vraiment des rendez-vous, seulement des moments qu’ils passent ensemble ? Tout ce qu’il y a entre Rafaël et lui ces temps-ci est un véritable mystère pour Zayan. Il participe pas mal à ce que ce soit le cas, certes. On ne peut pas lui reprocher de vouloir prendre son temps, n’est-ce pas ? De vouloir protéger le coeur que l’escort a déjà brisé une fois. Toute la journée, Zayan s’est demandé ce que le jeune homme pouvait bien imaginer qu’ils fassent ici tous les deux, mais maintenant qu’il a reçu cette notification, tout ce qui l’obsède c’est de pouvoir annoncer la bonne nouvelle à Rafaël.

S’il n’en était que proche jusque là, il sautille réellement quand il trouve enfin Rafaël planté près d’un restaurant. Ses bras se referment autour du cou du jeune homme qu’il embrasse au coin des lèvres et un instant, on serait en droit de se demander s’il ne va pas les faire tournoyer comme s’ils se lançaient dans une valse improvisée au milieu du hall. “Est-ce que c’est ça, ta grande surprise ?” demande-t-il en levant les yeux vers la devanture du restaurant près d’eux. “Tu m’invites à dîner dans un endroit chic ?” Derrière son air guilleret, il ne peut s’empêcher de se dire - juste une seconde - que pour avoir les moyens de payer un repas pour deux ici, Raf a dû travailler beaucoup ces derniers jours… C’est le genre de pensées que le pakistanais évite soigneusement depuis plusieurs mois qu’ils sont réconciliés. Ce n’est peut-être pas très sain, mais il se donne beaucoup de mal pour ignorer l’éléphant au milieu de la pièce ainsi que ses sentiments pour le jeune homme et ça fonctionne à merveille. Honnêtement, il a rarement été plus heureux qu’aujourd’hui. Et il a hâte de partager un peu de ce bonheur avec quelqu’un. “Allez, t’as fait assez de mystères pour aujourd’hui ! Dis-moi vite ce que tu complotes que je puisse t’annoncer ma grande nouvelle, moi aussi !”

Trois mois, cela faisait trois mois qu'on se voyait souvent, qu'on se parlait presque tout les jours et que je jonglais entre plein de boulot, mais aucun n'impliqué que je finisse nu, ou que je fasse quoi que ce soit pour faire physiquement plaisir à quelqu'un. Alors les fins de mois étaient plus compliquées, mais avec la drogue en moins, ca commençait vraiment à s'équilibrer et je n'avais pas tant de dette que ça. Ma vie s'équilibrait, je redevenais une bonne personne et ceux grace à lui. Il m'avait changé et la peur de le perdre semblait faire des miracles. Le seuvrage commençait vraiment à disparaitre, du moins ses effets et je ne tremblais plus, j'étais juste parfois très fatigué, mais j'étais un nouvel homme. Alors j'avais envie de plus, notamment de prouver à Zayan qu'il n'était plus obligé d'être si... Retenu avec moi ? Après je ne voulais pas lui en vouloir et j'essayais de ne pas en souffrir car c'était lui qui avait été blessé dans l'histoire. Lui qui avait encore une fois tout donné sans rien recevoir. Sauf qu'après trois mois, j'avais envie de vraiment sortir avec lui, j'avais envie que nous, que lui et moi, on soit quelque chose d'officiel, de réel, pas une connerie qu'on pourrait oublier.

Alors je lui avais demandé de venir me rejoindre dans un centre commercial, histoire d'avoir une sortie normale, de manger dans un restaurant qui n'était pas un taudis, mais que je pouvais nous payer et où je pourrais lui demander de sortir avec moi sans que ce soit nul. Il méritait le meilleur. Souriant en le voyant arriver à l'heure, je fus surpris par l’accueil, il semblait vraiment hyper heureux et je réalisais à sa question qu'il pensait qu'on allait manger là ou je lui avais donné rendez-vous. Bon j'aurais peut-être du être plus clair, mais les explication pour rejoindre l'autres étaient plus longues et je voulais marcher un peu avec lui. Il voulait que je lui dise rapidement ce que je complotais, car lui aussi avait une grande annonce à me faire. C'était sans doute pour cette nouvelle qu'il semblait si excité, pas pour un restaurant, mais pour ce qu'il avait à me dire. J'étais un peu stupide de croire qu'un simple restaurant pourrait le rendre ainsi. Zayan était joyeux, mais pas superficiel, « Je t'invite bien à manger, mais pas ici, c'est un italien un peu plus loin ! Mais il est bon, juste c'est plus... Familial. » lui expliquais-je donc avant de reprendre la parole, « Annonces moi ta grande nouvelle, la mienne elle peut attendre et t'as l'air trop heureux pour pas me dire ça tout de suite ! » connaissant Zayan, peut-être qu'il s'agissait d'Anna, peut-être qu'elle allait se marier, ou peut-être qu'il avait eu une promotion au travail, il faut dire qu'il était aussi bon employé qu'amis et il n'y aurait rien d'étonnant à tout ça. Bref, j'avais envie de connaitre ce qui pouvait le rendre comme ça, la journée ne pourrait en être que meilleure après ça.

Moi, c'était important, enfin pour moi, pour la vision que j'avais de nous, mais on était déjà dans une relation, cette elle n'avait pas de nom, mais on était déjà quelque chose, mettre un mot sur ça pouvait attendre, ce n'était pas la priorité, bien au contraire. Le voir sourire, le voir heureux était ce que je voulais voir chaque jour et là... Je ne crois pas l'avoir vu aussi souriant depuis longtemps. Il était... Rayonnant. Parfait. Bien loin des ombres que j'avais apporté à sa vie.

Rafaël ne semble pas aussi surexcité que Zayan. Forcément, ce n’est pas lui qui vient d’apprendre qu’il a été surclassé, mais tout de même… Le pakistanais ne peut s’empêcher de se sentir légèrement déçu de la retenue dont fait preuve le jeune homme. Il est toujours tellement… discret. Tout ce que Zayan a toujours essayé de fuir, pourtant chez l’escort ça ne suffit pas à le convaincre de prendre ses jambes à son cou. Même ce soir, il se contente de retrouver sa place et de sourire plus doucement, remettant vaguement de l’ordre dans sa chemise comme si une si brève étreinte pouvait l’avoir froissée et il essaye de prendre sur lui pour calmer ses ardeurs. Légèrement, en tout cas.

Sa main glisse vaguement sur le bras de Rafaël avant de retomber dans le vide et sans trop chercher plus loin, il se met en route vers ce fameux restaurant beaucoup plus familial où le jeune homme souhaite l’emmener dîner. De nouveau, il sent ce poids étrange, une forme d'anxiété distante sur ce qui l’attend. Il apprécie le geste, mais ce n’est tellement pas dans leurs habitudes qu’il se demande sincèrement ce qui pousse Rafaël vers tant de solennité. “On aurait pu rester à la maison, que ça m’irait très bien aussi.” lâche-t-il doucement, comme pour assurer au jeune homme qu’il n’a pas besoin de se donner tant de peine pour lui faire plaisir. Ce qui compte, c’est qu’ils soient ensemble, non ? “Enfin, c’était une très bonne idée cette petite soirée à l’extérieur ! Et ça tombe vraiment bien.” reprend-t-il tout de même, non seulement pour ne pas paraître ingrat, mais parce que c’est vrai que c’est un beau hasard qu’ils aient prévu de sortir juste quand Zayan a une bonne nouvelle à annoncer.

“Tu vas pas le croire, c’est dingue !” dit-il joyeusement alors qu’il sort son téléphone de sa poche et rouvre la fenêtre de Perfect Neighbour avec la petite pop-up qui lui annonce la bonne nouvelle. Le gouvernement le félicite, DoubleThink aussi, mais ce n’est qu’un détail pour Zayan qui voit surtout un avenir un peu plus radieux se dessiner devant lui. À moins, bien sûr, qu’il soit assez bête pour jeter ses points durement gagnés par la fenêtre, mais ça n’est pas dans ses projets. Fier de lui, il tend le téléphone à Rafaël et pose son regard plein d’espoir sur son visage, impatient de voir sa réaction. “J’ai attendu ça pendant sept longues années ! J’ai du mal à croire que ça arrive enfin !” Et pour la première fois depuis longtemps, il ne ressent plus aucune amertume envers ce système ridicule qui pousse les citoyens à un comportement parfois limite pour une petite récompense. Car cette récompense… Il en a tellement rêvé.

On aurait pu rester en effet à la maison, mais je voulais vraiment faire quelque chose de spéciale et lui aussi trouvait que c'était une bonne idée. Visiblement sa nouvelle se fêtait et alors que l'on marchait vers le restaurant, il finit par me tendre son téléphone. Je mis un peu de temps à comprendre, sans doute car quand je voyais le mien il y avait de quoi déprimer. J'ignorais superbement Perfect Neighbour depuis des lustres, mais après plusieurs seconde à fixer l'écran, je vis les félicitation, je vis une annonce de passage en Caste 2 et je réalisais. Il avait attendu ça pendant sept ans, et moi, je bloquais. Durant ce qui me paru être une éternité, je fixais l'écran, comme en état de choc. Qu'on soit d'accord, j'étais hyper heureux pour lui, il le méritait, je ne connaissais personne d'aussi gentil que lui, et je trouvais injuste depuis longtemps qu'il ne soit que Caste trois à cause de ses origines ou d'autres conneries comme ça. Mais là... Durant quelques secondes j'étais en train de penser à tout ce qui allait nous séparer, au poids que j'allais représenter, au fait aussi que j'allais lui demander un truc stupide et que peut-être que j'avais plus le droit. Je paniquais, je commençais à me poser dix milles questions auxquelles il ne devait même pas penser, j'étais un idiot, mais un idiot heureux pour lui.

Rejetant donc au loin toutes les question égoïste sur moi, sur ma place, je relevais les yeux vers lui, un sourire franc sur le visage, bien que le choc étaient encore là. « Je croyais que les changements de Castes c'était une histoire pour enfant ! » soufflais-je avant de reprendre, « Y'a enfin une justice ! », ajoutais-je en fermant son téléphone pour lui rendre et réfléchir un peu à quoi faire, je ne pouvais pas rester inoccupée, sinon j'allais gâcher sa journée, mais il y avait bien une chose que je savais faire, c'était rendre les autres heureux, alors oui j'allais devoir peut-être changé de méthode, mais cette journée serait vraiment la meilleure. « Changement de plan, enfin si on va au restaurant et après on va faire la fête ! Anna est au courant ? On peut peut-être organiser quelque chose avec elle et j'ai oublié le nom de son mec, enfin du ministre, je suis complètement flingué en politique, mais toi tu sais de qui je parle ! Et puis Evanna aussi, bref faut enterrer ta Caste trois ! » enchainais-je avec un grand sourire. Il était heureux, je ne l'avais jamais vu comme ça, alors autant me laisser porter par l'euphorie. Je demanderais un autre jour, quand mon cerveau aura évité de se faire des milliers de films.

« Ou on peut aller manger ailleurs, ça fait peut-être un peu pitié un restaurant familial avec cette nouvelle, il doit bien y avoir un truc que tu reverrais de manger et qui est dans les parages ! » demandais-je donc en sortant mon téléphone miteux pour commencer à chercher un compromis entre ce qu'il venait d'annoncer et mon budget, car il était toujours évident que je l'invitais, que je ne pouvais donc pas me permettre un budget trop élevé. Mais je pouvais quand même faire un effort, dans le pire des cas je travaillerais un peu plus au salon de tatouage, ça ne me tuerait pas de faire deux ou trois heures de plus pour lui offrir quelque chose qui valait vraiment le coup, « De quoi tu rêves ?! » demandais-je en relevant les yeux vers lui pour lui sourire. Le coup était passé, l’égoïsme aussi.

Zayan observe soigneusement le visage de l’escort, impatient de voir une réaction alors que le jeune homme inspecte l’écran du smartphone. Il n’a pas l’air de comprendre tout de suite, et le pakistanais est à bout de nerf, prêt à se mettre à le secouer ou à hurler la bonne nouvelle lui-même si Rafaël ne comprend pas rapidement. Il n’en a pas besoin, finalement. Il faut tellement de temps au jeune homme pour se décoller de l’écran, et tout le temps qu’il y reste, son visage se décompose doucement à chaque seconde. L’excitation de Zayan retombe d’un seul coup. Il se mord la lèvre, mais ne dit rien, attend simplement une explication sur pourquoi la nouvelle semble difficile à avaler. C’est une bonne chose, non ? Il croit que oui, en tout cas. Après toutes ces années, il l’a largement mérité.

Le sourire que Rafaël affiche quand il relève enfin les yeux vers Zayan semble pourtant sincère. Tellement que l’homme ne peut retenir un sourire timide d’étirer ses propres lèvres. Peut-être que c’était seulement le choc, la surprise ? Il sourit de plus en plus largement à mesure que l’escort se déride lui-même. Il s’est sûrement fait des idées, car de toute évidence tout va très bien pour Rafaël. Il va peut-être même un peu trop bien, d’ailleurs. Il parle de faire la fête, d’aller dans un meilleur restaurant, d’inviter le Ministre de l’Intérieur… ça va beaucoup trop loin pour Zayan qui se stoppe assez brusquement et attrape le jeune homme par le bras pour l’inviter à faire de même. “Doucement !” demande-t-il dans un rire. Ses deux mains terminent sur les épaules du jeune homme alors qu’il lève les yeux vers lui et l’observe un instant sans rien dire. “J’ai hâte d’annoncer la nouvelle aux filles et même au monde entier, si tu veux tout savoir !” commence-t-il, incapable de cacher sa bonne humeur. Et pourquoi aurait-il à le faire ? C’est la meilleure qui lui soit arrivée depuis bien longtemps. “Mais pas ce soir. On a prévu quelque chose. Tu as prévu quelque chose ! Je ne sais pas pourquoi est-ce que tu as manigancé tout ça, mais je veux aller dîner dans ce restaurant familial, découvrir ce que tu me caches et passer la soirée avec toi comme convenu. Juste toi.”

Il n’a pas été si clair au sujet de ses sentiments envers Rafaël depuis une éternité. Ça semble assez naturel, ce soir, mais sans doute n’aurait-il pas le même genre de discours s’il n’avait pas appris sa grande nouvelle aujourd’hui. “Je serais toujours Caste 2 demain, après tout ! Enfin, à moins que tu ne prévois quelque chose qui me fasse perdre des points en une seule nuit…” Un sourire blagueur s’installe sur ses lèvres, il se sent de nouveau parfaitement détendu et se lève finalement sur la pointe des pieds pour embrasser Rafaël rapidement. “Est-ce que tu envisages de me demander en mariage ? Si c’est le cas, tu devrais peut-être reporter ou tout le monde va croire que tu le fais juste parce que j’ai gagné une Caste !” plaisante-t-il en retrouvant le sol. L’air de rien, il glisse sa main dans celle du jeune homme et se remet en route, même s’il ne sait toujours pas dans quel restaurant ils sont censés se rendre.

Ok, je m'enflammais un peu et il était obligé de me rappeler à l'ordre. Il l'annoncerait aux filles et au monde entier, mais pas maintenant. Fronçant légèrement les sourcils, je me demandais bien ce qui pouvait le retenir d'annoncer une chose pareille, mais son explication tenait parfaitement la route. On avait prévu quelque chose, j'avais prévu quelque chose, il ne savait pas quoi, mais il voulait aller manger dans le restaurant, découvrir mes plans et passer la soirée avec moi. Mon cœur s'emballa légèrement, le feu me montant aux joues alors que je me sentais vraiment privilégié, à une place à part dans sa vie. Il ne m'en voudrait définitivement pas. Et puis c'était stupide, comment en vouloir à quelqu'un de vouloir juste une vrai relation et d'aimer l'autre ? Alors je souris sa blague, rien de ce qu'on ferait ne lui ferait perdre des points, du moins j'espérais, sortir avec un caste 3 n'était pas punitif non ? Enfin encore fallait-il qu'il accepte. Souriant un peu plus quand il m'embrassa, je ne tarda pas à me décomposer lorsqu'il parla d'une demande en mariage et du fait que j'allais devoir reporter si je ne voulais pas que tout le monde croit que je l'avais fait juste pour un changement de caste. Me raidissant alors malgré moi, mon esprit reparti de plus belle dans des délires impossible.

C'était une blague et pas une demande en mariage, juste une demande pour sortir avec moi et... J'avais beau raisonner, la panique s'était emparé de moi et c'est sans trop en avoir conscience que je finis devant la porte du restaurant. Silencieux jusque là, je nous annonçais pour finir par être placer au calme comme j'avais pu demander. M'installant alors à la table, j'essayais de sourire, mais la nervosité était définitivement trop palpable. « Ça fait longtemps que je voulais t'inviter à manger quelque part ! » soufflais-je comme si j'avais besoin d'un argument pour ne pas passer pour un monstre. « Bon du coup, tu sais ce qui t'as fait passer une caste ?! » demandais-je en priant pour qu'un changement de sujet et que ce qui le rendait si heureux suffise à me rendre moins nerveux. Il devait avoir des choses à raconter, il avait eu une vie exemplaire, contrairement à moi qui n'avait que très peu de chance de remonter un jour à un nombre de points plus... Acceptable. Je serais jamais dans le positif, quoi que je puisse faire... Enfin pensons à autre chose. « D'ailleurs faudrait que je m’intéresse un jour à comment être moins dans le négatif, enfin j'ai déjà une idée de comment arrêter de m'y enfoncer et je crois que j'ai pas perdu de point depuis longtemps, enfin depuis au moins février, ça m'était pas arrivé depuis des années ! J'ai même gagné des points ! » avouais-je dans sourire plus timide.

Essayer de ne pas paraître aussi raté que l'on était était vraiment complexe, surtout avec une vie comme là mienne. Baissant finalement les yeux sur la maigre carte et les prix tout aussi maigre qu'il y avait, je m’intéressais à un sujet franchement neutre et pas problématique, du moins si je suivais ce qu'il avait dit un peu plus tôt, « Tu peux prendre ce que tu veux ! », et soyons honnête pour connaitre la nourriture ici, j'avais déjà faim rien qu'à y penser. Des pâtes ça tenait au corps non ? Je survivais globalement qu'avec ça, mais là il y avait de la sauce et là sauce... C'était globalement la vie.

Zayan flotte sur son petit nuage tout le temps qu’il faut pour aller jusqu’au restaurant et les installer à une table. Il sait que l’endroit choisi par Rafaël n’est pas le plus chic de toute la ville, mais il semble malgré tout très heureux quand ils sont assis à une table et qu’il regarde partout autour d’eux. Ça reste un dîner en tête à tête, organisé par l’homme qu’il aime, même s’il se donne un sacré mal pour rester prudent dans le partage de ses sentiments. Il est heureux, vraiment heureux et très loin de se douter que ce n’est pas forcément le cas du côté de son rencard. “J’aime bien cet endroit !” assure-t-il alors que Rafaël lui dit qu’il voulait l’inviter à dîner depuis un moment. Il le croit sur parole et il veut profiter de ce moment, alors il repousse au loin toutes les pensées pernicieuses qui tentent de s’installer dans son crâne pour expliquer pourquoi l’escort n’a pas eu l’occasion de l’inviter avant. Ils savent très bien pourquoi tous les deux et, que ce soit sincère ou non, Zayan a promis qu’il était d’accord avec ça. Il n’a pas le droit de revenir sur cette promesse maintenant.

De toute façon, le jeune homme ne s’attarde pas et il a l’air tout aussi excité que Zayan au sujet de ce passage en Caste 2. Ou du moins, c’est ce que pense le pakistanais, bien trop joyeux pour voir plus loin que le bout de son nez. “Je ne sais pas… Des années à être gentil et agréable et à suivre les règles à la lettre ? Je veux dire, à part cette fois où j’ai payé un homme pour coucher avec moi, mais dans le fond rien ne l’interdit vraiment !” plaisante-t-il joyeusement. “Plus sérieusement, je me fiche de savoir ce qui a pesé dans la balance ! J’ai fait tout ce que j’avais à faire, la moitié des gens de ce pays me voient comme une dangereuse menace juste parce que je suis né au Moyen-Orient et pourtant, je suis le citoyen idéal !” Et il l’est réellement. Il a tout fait, tout supporté pour en arriver là, alors il ne va pas s’excuser ni chercher à savoir pourquoi on lui laisse enfin une chance.

Cela dit, il ne peut s’empêcher d’être un peu - beaucoup - curieux, quand Rafaël lui fait savoir qu’il n’a pas perdu de points depuis Février. Ça fait un long moment. Depuis qu’ils ont commencé à sortir ensemble pour de vrai, en fait… Est-ce que ça veut dire qu’il n’a pas… ? D’un mouvement sec, Zayan secoue la tête et repousse cette pensée avant qu’elle ne se soit formée entièrement. Il doit absolument arrêter de penser à ça. “Honnêtement, ça m’a pris une éternité pour dépasser les 120 points alors que je suis sage comme une image… Je ne sais pas combien de points il te manque pour y arriver, mais on ne va pas se mentir, c’est quasiment impossible. Va falloir que tu te mettes à porter les courses des vieilles dames quinze fois par jour !” Il sait en fait très exactement combien de points dispose Rafaël, mais il n’a pas envie que ce soit aussi clair pour le jeune homme qu’il a passé un millier d’heures sur son profil Perfect Neighbour. Il n’a pas besoin de passer pour un stalker. “Je vais prendre les raviolis à la mozzarella.” lâche-t-il, en jetant un regard indifférent à la carte, choisissant le premier plat qui lui passe sous les yeux. Il se fiche complètement de la nourriture, quelque chose de bien plus important se passe en ce moment. “Alors, est-ce que tu vas me dire ce que tu mijotes ?” demande-t-il en haussant un sourcil. “Je veux bien croire que tu veuilles juste me faire plaisir comme ça, sans raison, mais c’est la première fois qu’on fait quelque chose comme ça… Je suis sûr que tu manigances quelque chose !” Et il compte bien découvrir quoi avant la fin de cette soirée.

Au moins l'endroit était apprécié par Zayan, à moins que ce soit de la politesse bien sûr, je n'avais pas trop merdé. Essayant donc de parler pour ne pas penser à ce qui m'angoissait le plus, j'eus un rire un peu nerveux lorsqu'il signala que le seul accro qu'il avait eu avait été moi. Bon il rigolait, mais dans sa vie exemplaire, j'étais potentiellement un poids mort et ça m'angoissait un peu plus. Clairement, le problème était là. J'avais peur, peur de ce qu'il pourrait penser de moi, de ce que j'allais demander, mais c'était de la paranoïa, je savais qu'il ne le pensait pas, du moins je l'espérais. Mais le monde ne valait pas mieux que moi. Le fait qu'on le voit comme une menace me retourna l'estomac, si bien que lorsque qu'il fut question de l'impossibilité que j'aurais à remonter dans le classement, j'eus du mal à faire le lien. J'avais fait une blague, une blague nerveuse et... « Et que les vieilles dames soient connecté ! » soufflais-je donc avant de me pencher sur la carte et son choix. J'étais même pas sur qu'il avait choisi, c'était le premier plat. Je n'allais pas forcément chercher plus loin non plus, il me fallait quelque chose de nourrissant qui tenait au corps, rien de plus pour ce premier repas de la journée.

Il revient alors sur ce qu'on faisait ici, sur ce que je pouvais manigancer et mon stresse remonta presque aussitôt. Jouant alors nerveusement avec mon verre, je commençais à répondre, « Tu vas trouver ça stupide... » commençais-je en ne sachant même pas si ça se faisait en vrai. Demander à quelqu'un de sortir avec soit, de façon officielle. Gorge nouée, je finis par relever les yeux vers lui, toujours paniqué, « C'est une pure coïncidence, mais... », prenant une grande inspiration, je lachais le verre pour poser mes mains sur mes jambes et me donner du courage, « Ça va fait presque cinq mois que j'ai repris ma vie en mains, un peu plus que j'ai arrêté de me droguer grâce à toi. C'est pas toujours facile et j'ai encore des sensations de manque, mais j'ai réussi à rester sobre et j'y serais pas arrivé sans toi, pas plus que j'aurais réussi à me respecter en arrêtant de faire des choses que je ne voulais pas juste pour de l'argent. » reprenant mon souffle, j'étais pas certain de mon axe, je savais simplement que je voulais rendre cette relation plus solide. « Je crois qu'on demande ça quand on est au lycée, mais je... », sourire nerveux et toutes les conneries qui s'en suivent.

« Je, je t'ai invité ici car j'avais envie de passer du temps dehors, d'être avec toi comme si on... Est-ce que tu veux sortir avec moi ? Je sais c'est ridicule comme demande, mais j'ai plus vraiment envie de la situation, enfin si tu veux continuer on continue, je sais que je t'ai pas rassuré et je m'y plierais, mais... J'ai envie... Enfin j'aimerais, pouvoir dire que je sors avec toi et être avec toi, pour de vrai. » C'était dit, maintenant je n'avais qu'à attendre son verdict, un oui ou un non, je ferais avec, je ne voulais pas lui imposer, je voulais juste qu'il le sache et que peut-être, ça arrive. Je m'étais lancé, on verrait bien.

Rafaël possède un talent fou pour présenter les choses de la pire des façons. Il prononce à peine quelques mots que, déjà, l’ambiance s’alourdit considérablement. Inquiet de cette annonce qu’il doit trouver stupide, Zayan croise les mains sous son menton et se penche légèrement vers le jeune homme, sa posture parvenant heureusement à masquer la soudaine tension dans ses muscles. Il ose tout juste respirer tandis que l’escort continue, énonce nerveusement ses réussites des derniers mois. Son coeur manque un battement lorsqu’il est question de son travail, ou plutôt du travail qu’il a laissé derrière lui. Zayan ne l’a jamais demandé, il n’empêche que ça fait du bien de l’entendre, de savoir qu’il ne partage plus le jeune homme avec personne. Si seulement ce dernier pouvait en venir au but, peut-être que la conversation cesserait d’être stressante ?

Pour tout dire, Zayan est tellement nerveux de la manière dont cette conversation est amenée qu’il lâche un rire bien malgré lui quand, enfin, Rafaël lui pose la question qu’il veut poser depuis le début. “Excuse-moi.” souffle-t-il, quand son rire se dissipe, à peine quelques secondes plus tard. “Je m’attendais à tout sauf ça.” Et puis, l’évidence le frappe tout à coup et c’est relativement désagréable. Rafaël veut qu’ils sortent ensemble. C’est mignon, touchant, vraiment… à cela près que s’il a besoin de demander ça maintenant, alors que font-ils depuis cinq mois, au juste ? Bien sûr, l’homme se retient de poser la question à voix haute. Ce qu’il ne fait pas non plus, c’est répondre à celle de l’escort. Il ne sait pas trop quoi dire et doit même se mordre l’intérieur des joues et détourner le regard dans l’espoir de se concentrer quelques secondes. Il n’a pas tellement envie de montrer sa surprise - ou son mécontentement ? -, ne veut pas rendre ce moment plus gênant qu’il ne l’est déjà, mais s’il ne dit rien, ça va finir par exploser au pire moment. C’est toujours comme ça quand on garde des rancoeurs trop longtemps.

“Je crois que c’est moi qui vais avoir l’air stupide, à la fin, mais…” lâche-t-il en se forçant à relever les yeux sur Rafaël. Il se redresse un peu, pose ses mains sur ses genoux pour cacher la façon dont ses doigts se crispent sous la nervosité. “Qu’est-ce qu’on faisait d’après toi depuis tout ce temps ?” Il sent que ses sourcils sont froncés et ça l’agace, mais pas autant que la façon dont sa propre voix semble tendue et presque sèche. Il secoue la tête et force un sourire, essayant tant bien que mal de prendre cette conversation avec toute la nonchalance qu’elle mérite. “Enfin, j’imagine que ma réponse est oui en tout cas, puisque pour moi on était déjà ensemble depuis un moment…” Un rire lui échappe et, vraiment, il voudrait que ça s’arrête là, mais maintenant il ne peut plus s’empêcher de se demander ce qu’il peut bien avoir fait pour que Rafaël ressente le besoin de déposer une demande officielle concernant une chose qui lui semble pourtant tellement naturelle. “Est-ce que c’est ma faute ? J’ai dit quelque chose ?” demande-t-il, bien malgré lui, poussé par ce besoin irrépressible de comprendre comment ils en sont arrivés là.

Je m’attendais un peu à tout sauf à ce qu’il n’explose de rire. Il ne s’attendait pas à ça. Au moins on est deux à pas comprendre. Il pensait qu’on était ensemble. Ou du moins c’était ce qu’il laissa imaginer lorsqu’il me demanda ce qu’on faisait depuis tout ce temps. C’était donc une relation qu’on vivait pleinement lui et moi. Je devais donc me faire des idées et je ne pouvais pas lui en vouloir. L’impression, la distance, c’était peut-être normal après tout. Mais lorsqu’il me demanda si c’était sa faute, ou si il avait dit quelque chose, je relevais les yeux vers lui. J’étais pas certain qu’on puisse blamer qui que ce soit car je n’étais pas certain qu’il y ait quelque chose à blâmer. Au contraire.

« C'est plus un comportement, ou son absence, que quelque chose que tu as dit. » soufflais-je un peu tendu « J'avais l'impression d'être en période d'essai. » continuais-je avant de préciser, « Ce qui me semblait assez cohérent après tout ce qui s'est passé et le fait que je t'ai pas rassuré, quitté, puis supplié, enfin c'est normal, mais... », mais il y avait un mais, « T'es dans la retenu avec moi, alors je pensais qu'on était plus dans une relation de couple pas officielle le temps que je te montre que je tenais à toi, que je n'allais pas te blesser et que je méritais que tu puisses te lâcher et avoir confiance en moi. », le temps qu'il croit en moi au final... Ce n'était encore une fois pas une critique, loin de là, mon sourire un peu penaud le démontré bien. « C’est pour ça que j’ai rien dit, ni demander jusqu’à présent et je sais que t’avais rien demandé, ni rien, mais ça me tenait vraiment à coeur de te prouver que je pouvais être une personne meilleur, alors par pour toi, enfin si, mais c’est surtout parce que t’étais la et grâce à toi que j’ai eu envie d’apprendre à me respecter, à plus faire un métier dégradant, ou à consommer de chose mauvaise pour moi. Et j’avais vraiment besoin d’un électrochoc pour le comprendre et du coup je croyais qu’on en était là, en mode, quand j’irais mieux dans mes basket et que je serais vraiment sûr de pouvoir te donner du temps, te donner l’amour que tu mérites et t’offrir l’attention et l’écoute que tu méritais aussi, on pourrait être un couple comme dans les films qu’on regarde de temps en temps, même si les films ça existe pas, j’avais un peu l’impression d’être une Pretty Woman qui avait le droit à sa vrai vie avec toi, en plus t’as les cheveux gris et t’es sexy, c’était raccord dans ma tête ! » déclarais-je dans un rire un peu gêné, mais qui avait au moins le mérite de me détendre. Il avait ses raisons, ou pour moi c’était normal.

« Et je sais que j’ai présumé à ta place et que c’est quelque chose que tu m’as reproché, mais c’était pas un mal là. Je veux dire mes sentiments pour toi n’ont fait que grandir, ça m’a pas non plus refroidi de devenir quelque de meilleur pour moi, je voulais juste pas, je sais pas, abimer ce qu’on était entrain de reconstruire. Mais du coup t’as rien fait de mal ! Juste moi avec mes interprétations toujours un peu orienté sur le fait que j’ai des choses à prouvé, ou que je suis pas assez bien ! Mais j’y travaille ! », je ne voulais pas plomber plus les choses comme ça, on était ensemble après tout, et au final, peut-être que ces moments j’en avais eu besoin. « Va vraiment falloir que j'apprenne les subtilités du monde je crois. » confiais-je dans un rire timide. « Du coup c’est vraiment juste un repas de fête car t’as changé de caste et c’est tout aussi bien… Sauf si tu veux qu’on fasse deux soirée dehors ? C’est ta journée, t’as tous les droits ! », et là je m’en fichais, dans un sens c’était un soulagement qu’il pense qu’on soit ensemble. Même si j’avais pensé autre chose, on était ensemble et c’était ce que je voulais.

Zayan a passé une si bonne journée qu’il est un peu plus affecté que nécessaire par la tournure que prend cette soirée. Il s’attendait à un bon moment avec Rafaël, une soirée un peu plus sérieuse, un peu plus romantique que d’habitude, mais pas ça. Il regrette de plus en plus qu’ils ne soient pas restés chez lui. Au moins, dans l’intimité de son appartement, il n’aurait pas l’impression que tout le monde les regarde. Il sait que ce n’est pas le cas, pas vraiment, mais il sent réellement une centaine de regards peser sur ses épaules. Et puis, bien sûr, il y a Rafaël.

Zayan est le genre d’homme à tomber amoureux toutes les semaines. D’un homme qu’il a croisé au hasard dans la rue, d’un homme qui s’est assis à côté de lui dans le tram, peu importe. Il aime s’imaginer que le Destin l’attend au coin de chaque rue. Qu’il soit tombé amoureux d’un prostitué est la chose la plus incroyable et la moins étonnante qui lui soit jamais arrivée. Ça lui ressemble tellement que s’en est presque affligeant. Il ne le dit pas, c’est vrai. Il se montre prudent, plus depuis ces dernières semaines qu’il ne l’a été quand il a rencontré Rafaël au départ. Et ce soir, il ne regrette pas tellement d’avoir pris des précautions. Ça fait cinq mois qu’ils sont réconciliés. Plus longtemps encore que Zayan a des sentiments pour le jeune homme et qu’il ne le cache pas. Alors oui, il tombe vraiment de haut, de très haut, en réalisant que pour Rafaël ils sont… Quoi, exactement ? C’est ce détail que le pakistanais peine à comprendre.

Les explications de Rafaël n’aident pas vraiment. Il a bel et bien fait quelque chose de mal, donné le sentiment au jeune homme de devoir passer un test. Et c’est le cas. Il n’a pas vraiment envie de l’admettre, mais maintenant que la situation lui est présentée à voix haute, il le voit bien : il attend sagement le moment où l’escort fera une nouvelle erreur et lui prouva qu’il a eu tort d’y croire. Parce que c’est toujours comme ça que ça se passe, n’est-ce pas ? Ce n’est pas spécialement la faute de Rafaël, ou en tout cas, pas entièrement sa faute. C’est simplement la façon dont ça se passe toujours en amour : tout va bien jusqu’au jour où ça ne va plus. “Je suis désolé.” souffle Zayan, n’écoutant même plus tellement les excuses de l’escort, sa tentative de rattraper sa faute en proposant de ne fêter que son changement de caste.

“On a eu des débuts difficiles.” souligne-t-il, même s’il n’y a aucune chance que Rafaël ait déjà oublié. “J’ai eu beaucoup de débuts et de fins très difficiles, pas seulement avec toi. Je tiens beaucoup à ce qu’il y a entre nous et tu connais mes sentiments pour toi, ils n’ont pas changé. Et je te promets que je fais tout mon possible pour te pardonner, mais j’ai juste… Besoin de temps, je suppose. De laisser les choses se faire naturellement.” Il ne réalise même pas qu’il a parlé de pardonner, comme s’il ne l’avait pas encore fait. Peut-être que ce n’est pas le cas, tout simplement. Il évite soigneusement d’y penser, de penser à tout ce qui le préoccupe habituellement dans une relation. Il ne veut pas que ce soit trop sérieux, ni trop léger. Il ne veut pas faire quoi que ce soit qui risque de mettre le désordre dans l’équilibre précaire qu’ils ont réussi à trouver. “Je t’assure qu’il n’y a personne d’autre, en tout cas. Et que je ne cherche pas à te piéger, je fais seulement attention à ce qui se passe entre nous pour ne pas le briser.” Sauf que c’est peut-être bien ce qu’il vient de faire, au final.

Il s'excusa, il n'en avait pas besoin, c'était pas un drame, mais il insista, expliquant qu'on avait eu des débuts difficiles, ajoutant même qu'il en avait eu beaucoup, avec beaucoup de fins aussi difficile. Il tenait à nous, je savais qu'il m'aimait et ça n'avait pas changé. Seulement il avait besoin de me pardonner et ça prenait du temps. On va pas mentir, ça faisait mal, mais c'était normal, je ne m'attendais pas à ce que ce soit déjà réglé. Il précisa alors qu'il n'y avait personne d'autre qu'il ne voulait pas me piéger et qu'il voulait juste faire attention pour ne pas nous briser. C'était logique, mais il était nerveux alors après une minute de silence, je me remis sur pied, glissa ma main sur la sienne avant de l'attirer avec moi jusqu'à l'endroit le moins glamour du monde pour ce que je m’apprêtais à faire. Poussant donc la porte des toilettes, je vérifiais qu'il n'y avait personne en regardant sous les portes avant de lâcher la main de Zayan, de souffler un grand coup et de sortir enfin du silence. « T'es tombé amoureux de moi quand je me prostituais. Je suis tombé amoureux de toi quand je me prostituais. J'ai continué à me prostituer et j'ai fini par te quitter en connaissant tes sentiments et les miens. », ça faisait du mal à dire, mais je voulais qu'on mette ça sur la table, qu'il ne pense pas être responsable. Oui il était retenu, mais y'avait rien de grave, il avait le droit d'avoir besoin de temps.

« T'as tous les droits, que ce soit d'avoir besoin de temps pour me pardonner, comme être sur la réserve. » il avait le droit, même si ca faisait mal, c'était pour le mieux, « C'est moi qui ait pas l'habitude de la situation je suppose, et j'avais peut-être besoin de savoir que pour toi aussi on est ensemble et que c'est réel. Mais j'ai pas besoin d'accélérer les choses. J'ai juste besoin de passer du temps avec toi et d'être avec toi. La retenu, le pardon, comme tu l'as dit ca viendra naturellement, du moins quand j'aurais plus l'air d'un crétin ! » ajoutais-je dans un rire. « Et je pensais pas qu'il y avait quelqu'un d'autre, enfin du moins j'y avais pas pensé et je pensais pas non plus que tu voulais me piéger, juste que t'attendais d'être sur que j'allais pas éclater ton cœur à la première occasion. », remettant un peu d'ordre dans mes vêtements avant de lui sourire plus tendrement, « On a eu des débuts difficiles, mais j'ai jamais eu besoin, ou envie d'être avec quelqu'un. Je sais que t'as jamais rien demandé, mais je veux vraiment devenir meilleur avec toi, mais aussi pour toi. Tu m'as fait arrêter la drogue, ce qui était déjà pas gagné et j'ai arrêté de me prostituer et t'imagines pas tout le bien que ça fait de plus se sentir sale... Mais j'ai trouvé une solution et une force que j'aurais pas eu sans toi. Je pourrais jamais t'en vouloir de prendre ton temps, surtout si c'est pour avoir un avenir. », et c'était un grand discours, du genre ou je pouvais dire des conneries et faire pire que mieux. J'étais un champion pour ça.

« Je t'aime et je suis fier de toi pour cette promotion social et j'avoue que j'aimais bien l'idée de pouvoir me vanter de sortir avec toi. » regardant autour de moi, j'eus un rire avant de m'approcher de lui, « Et c'est pas l'endroit le plus romantique pour te dire que je t'aimais, mais je me sentais mal de dire dans une salle, même presque vide que je me droguais et me prostituais. ». Glissant alors mes bras autour de sa taille, je le serrais contre moi avant d'embrasser son cou, « Et je doute pas de toi et je te reproche rien, je te le promets. » et je me sentais normal surtout, même si y'avait un poids et la douleur de ses précautions, je n'étais plus un drogué, plus une pute, j'étais un gars, un gars normal à présent. Un gars qui réussissait pour le moment à payer des frais, je pouvais y arriver en étant quelqu'un de bien.

Après avoir dit tout ça, Zayan s’attend à ce que Rafaël lui réponde, même si c’est pour une nouvelle tentative de changer de sujet. Il ne s’attend pas à ce que le jeune homme se lève de table et encore moins à devoir le suivre. Il le fait pourtant, non sans regarder partout autour d’eux, mal à l’aise à l’idée que les clients les voit faire : deux hommes qui se tiennent par la main et filent ensemble s’enfermer dans les toilettes… Il imagine très bien ce que pensent les autres clients et franchement, c’est un soulagement de se retrouver seul à seul dans une autre pièce. Même si Zayan ne se détend pas du tout et se demande plutôt ce que fabrique l’escort. “Qu’est-ce que tu fais ?” demande-t-il même, impatient, quand le jeune homme se met à faire le tour de la pièce, sans doute pour s’assurer qu’ils sont bien seuls. Dès que le jeune homme libère sa main, il croise les bras contre sa poitrine, prenant inconsciemment une posture défensive.

Il se détend presque malgré lui dès que Raf se met à parler. Ça n’est franchement pas agréable de se faire repasser le film de leur relation aussi factuellement, mais… D’une certaine façon, il comprend un peu ce que Rafaël cherche à faire. Il se laisse donc approcher, ses bras s’éloignant de son torse pour se glisser autour du cou du jeune homme quand il s’approche. Il sourit timidement, essaye même de se retenir. “Sans vouloir te vexer, t’es un type jeune et sexy et moi j’ai le cheveux gris… Tous ceux qui nous ont vu aller ensemble dans ces toilettes pensent que je te paye pour coucher avec moi. Ou bien que je suis incroyablement riche et que tu es mon toy-boy.” Un léger rire lui échappe à ces mots, juste assez crispé pour qu’on devinne que c’est vraiment ce qu’il pense et pas seulement une blague. C’est vrai, après tout, non ? Il n’a pas l’air du genre d’homme qui intéresserait quelqu’un comme Rafaël, au contraire.

Bien sûr, ce n’est pas vraiment ce qui compte en ce moment. Rafaël vient de lui dire qu’il l’aime et Zayan ne sait pas quoi répondre. En fait, si, il sait très bien ce qu’il doit et ce ne serait même pas un mensonge. Il a simplement du mal, sans trop savoir pourquoi. Il cache donc son visage dans le cou du jeune homme, se disant que si Raf ne peut pas le voir, ce sera plus simple. “Je t’aime, moi aussi.” souffle-t-il, juste assez fort pour qu’on l’entende. Il laisse passer quelques secondes comme ça avant de s’éloigner, pour regarder Rafaël en face. “On retourne à la table ? Avant qu’ils envoient quelqu’un pour vérifier ce qu’on fait ici…” Franchement, ça l’étonne assez que Rafaël soit celui des deux qui se pose le plus de question sur leur relation. Ce n’est pas désagréable. Il est perdu, attentionné et ça fait du bien.