This is the story of a starry night, the faded glory of a new delight || Jamin #1

Avoir des amis, c’est important, mais dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, James n’est pas vraiment doué. Ce n’est pas qu’il ne veut pas, qu’il apprécie d’être seul. C’est juste que c’est beaucoup plus simple comme ça. Peut-être est-ce lié, aussi, à son air toujours fermé, ses nombreuses ressemblances avec un robot, comme le dirait Jessie. Il préfère ne pas trop y penser, il a déjà bien assez de choses en tête et mieux vaut qu’on le rejette parce qu’il n’est pas quelqu’un d’ouvert plutôt que parce qu’on découvre la vérité à son sujet. Sauf que parfois, comme ce soir, on ne le rejette pas. Il a peut-être même un ami. Un collègue, en tout cas, lui propose de sortir prendre un verre et quand James refuse, au prétexte qu’il ne boit pas d’alcool, il propose un dîner à la place. C’est étrange. Dangereux, aussi. Cet homme n’est pas… James n’a pas d’idées déplacées à son sujet. Pas pour l’instant. Il n’empêche qu’il a un peu peur de se retrouver seul à seul avec un autre homme. Juste un dîner, ce n’est pourtant rien, n’est-ce pas ? Il y aura probablement d’autres gens dans le restaurant et il aura un ami. Il a besoin d’avoir des amis.

Le restaurant… C’est plutôt un bar, comme le découvre le jeune homme lorsque son collègue s’arrête brusquement devant la devanture d’un petit bar visiblement bien animé. Ils servent à manger, voilà l’excuse que lui sort l’autre homme alors qu’il entre en tirant James par le bras. Génial. Ils s’installent à une table, au milieu des autres clients occupés à discuter entre eux, à parler, à boire. La musique est forte, mais ça ne semble gêner personne d’autre. Une serveuse pas très souriante fonce vers eux dès qu’ils sont assis. Mal à l’aise, James commande une salade et tandis que son potentiel ami parle, parle, à n’en plus finir, il observe.

Son regard glisse d’un client à un autre, aux sourires qu’ils affichent, à la proximité entre les corps quand ils doivent se rapprocher pour s’entendre. À quel point tout le monde a l’air heureux, ici. Heureux et normal. Et puis, son coeur loupe un battement, ses yeux se posent sur un homme au hasard dans la foule. Pas au hasard, non. C’est le seul qui se tient aussi près d’un autre homme dans toute cette foule. Le seul qui ose toucher un autre homme, sourire à un autre homme. Même de là où il se trouve, James peut voir que ces petits gestes, ces petits regards, n’ont rien d’innocent. Et il est… époustouflant. Son sourire, ses pommettes saillantes, son regard et sa silhouette… Il est juste parfait, comme un rêve devenu réalité et pourtant, James sait que c’est mal, qu’il ne doit pas penser ça, qu’il ne doit pas même regarder vers cet homme. Il n’arrive tout simplement pas à s’en empêcher. Il n’écoute plus du tout son collègue qui ne semble même pas voir le rouge sur les joues de son interlocuteur ou la manière dont sa respiration s’est doucement accélérée. De toutes ses forces, James aimerait pouvoir regarder ailleurs, mais rien à faire.

Jusqu’à, enfin, le drame. Peut-être que l’inconnu a senti le poids d’un regard posé sur lui. Peut-être que c’est juste par hasard qu’il finit par oublier l’homme qu’il est très clairement en train de draguer. Aucune idée. Tout ce qui est sûr, c’est que son regard s’accroche à celui de James et que son sourire ne disparaît pas. C’est tout ce qu’il faut pour que le jeune ingénieur, intimidé, ne parvienne enfin à baisser les yeux. Il a honte, il bafouille quelques mots à l’adresse de son collègue qui se décide enfin à la fermer. C’est terrible. Cet homme a vu qu’il était intéressé. Il doit faire mieux, mais il n’arrive plus à penser, à respirer. Il lui faut de l’air, vite. Il se lève entre deux bégaiements, menaçant de renverser la table au passage et fonce vers la porte du bar. Avant de la passer, il lance un dernier regard par dessus son épaule et l’inconnu est toujours là, son regard toujours rivé sur James.

Dehors, c’est un peu plus facile de respirer et l’air déjà frais parvient presque à remettre les idées de James à leur place. Il n’a pas fait plus d’un pas hors du bar, alors quand, quelques secondes plus tard, quelqu’un tente d’ouvrir la porte à nouveau, elle frappe dans son dos et termine de le ramener à la réalité. Il s’écarte brusquement et se tourne vers l’intrus qui vient de le sauver en détournant son attention. “Désolé, je…” Il n’a pas le temps de finir sa phrase, car quand il fait enfin face à son sauveur-agresseur, il réalise que c’est l’inconnu et se transforme bêtement en un enfant qui n’a pas encore appris à parler.

« Vas et vis.»
Ces mots résonnaient dans sa tête depuis près de vingt ans. Vingt années à espérer que le pire ne s'était pas vraiment produit, alors que c'était bel et bien arrivé. Jusqu'à finalement la revoir. En vie. Il avait eu du mal à y croire au début. Et finalement, l'impression de rêve s'était transformé en une réalité permanente. Sa mère vivait. Et c'était très bien ainsi. Surtout, elle semblait avoir réussi à rallier des groupes qui partageaient et vivaient en communauté.
De revoir sa mère lui avait redonné du courage, et l'envie d'essayer de vivre, et de profiter, quoi qu'en dise le gouvernement, quoi qu'en disent les applications ou les gens, était revenue. Revigoré de sa visite désormais trimestrielle, Marvin avait l'impression de se sentir bien. Si bien depuis si longtemps. Un sentiment qu'il n'était plus certain d'avoir un jour ressenti. Un sentiment lointain, qui s'effaçait à chaque fois que le visage de son père passait sous ses yeux, faisant augmenter la douleur, faisant augmenter la peine, et par conséquent, la haine qu'il ressentait envers lui. Mais pour l'instant, il ne voulait pas y penser. Juste passer une bonne soirée. Se trouver un petit quelqu'un pour passer une bonne soirée. Et ne laisser place plus qu'au plaisir d'être, tout simplement.
Il était sorti de chez lui, avec son vélo électrique un peu trop pimpé, qu'il avait gardé pendant toutes ces années après que Vanessa n'ait fait n'importe quoi dessus. Mais il l'avait gardé, en souvenir du temps où tout semblait aller mieux avec sa soeur. Désormais, les choses étaient devenues compliquées. Et le temps n'avait fait qu'empirer. Ça et le manque de communication. Beaucoup trop de futilités avaient finit par s'installer dans la relation fraternelle, autrefois fusionnelle, et désormais réduite à si peu. Pourtant, Vanessa ne semblait ni pire, ni meilleure que lui. Elle était juste dévouée à son père. Trop pour qu'un vrai lien ne se crée entre eux. Les souvenirs qui l'envahissaient lui avait fait raté le fait d'être arrivé à sa destination préférée : le bar. C'était son repère. Son endroit favori pour les rencontres. En tout genre.
Il était entré, et s'était mis au bar, très vite rejoint par celui qui, apparemment, serait sa proie pour la soirée, et si tout se passait bien, pour la nuit. Mais de discussions en discussion, de mot en mot, Marvin perdait de son intérêt pour sa cible du soir. Il avait remarqué un autre homme qui, étrangement, titillait beaucoup plus son intérêt que l'autre Apollon, celui qui était au bar. Plus loin, là où se rivaient ses yeux, il était question d'attraction visuelle, qui éveillait bien malgré lui ses sens.
Mais, tout chasseur qu'il pouvait être, il était resté en retrait. Parce qu'il ne se voyait pas s'approcher si facilement. Parce qu'il se demandait si pour plus tard, il y aurait quelque chose à tenter avec sa victime actuelle. Peut-être aussi qu'il y avait un peu d'appréhension. L'objet de son fantasme visuel, lui, semblait bien différent de tous les autres hommes ici présents. Un je-ne-sais-quoi qui changeait tout. Et qui avait perturbé l'esprit si calme et posé, parfois -voire souvent- manipulateur de Marvin avec ses conquêtes. Si bien qu'aux mots de son interlocuteur, Il se rendit soudain compte que l'autre venait de lui poser une question ? Laquelle, il n'en savait fichtrement rien. Mais voilà qu'il semblait désormais afficher qu'il était ailleurs, et plus trop réceptifs aux charmes de l'homme. « Je suis désolé je...»dit-il en lançant un dernier regard vers l'endroit où se trouvait son intrigant; Mais là où se trouvait le jeune homme à boucle, il n'y avait plus personne. Décontenancé, et surtout déçu, persuadé d'avoir réussi à établir un contact visuel, une communication même, pour finalement se rendre compte qu'il n'y avait rien. Si bien que le goût du jeu semblait s'être évaporé de lui. « Pardon, je vais y aller.» finit-il par dire, se rendant compte de son désintérêt soudain pour sa présence ici. Il se leva, et se dirigea vers la porte, qu'il poussa la porte, heurtant quelque chose. Quelqu'un, plutôt. « Mes excuses. Tout va bien ?» demanda-t-il, relevant les yeux, s'apercevant que la personne à qui il parlait était le jeune homme aux boucles d'ébènes. Il ne put retenir un sourire, et finalement, rajouta. « J'espère que je ne vous ai pas fait mal, je suis vraiment navré..»

Il est là, juste là. Tellement près que, s’il le voulait, James pourrait le toucher. Il en a envie, en fait. Heureusement qu’il est paralysé, finalement, ça lui évite de passer pour un crétin. Pas pour très longtemps hélas. James n’a peut-être aucune conscience sociale, mais même lui sait qu’il n’est pas bien vu de rester sans bouger et sans parler, à regarder fixement une autre personne. On peut presque voir les étoiles dans ses yeux. Il faut qu’il se ressaisisse. Lutter contre ses démons, c’est aussi être capable de les affronter en face, n’est-ce pas ? Répondre à cet homme ne va pas le tuer et ça ne veut certainement pas dire qu’il agit à l’encontre de ses convictions. C’est seulement de la politesse. Parfaitement. Convaincu, ou presque, il se racle la gorge légèrement et souffle, étirant un sourire à son tour : “Je vais bien. Tout va bien.” en même temps qu’il fait tourner son alliance de son pouce, petit tic nerveux dont il a pris l’habitude quand il ment. Bien sûr qu’il ne va pas bien, mais ça n’a rien à voir avec le coup qu’il a pris dans le dos. Il est simplement face au plus bel homme qu’il ait jamais vu et il n’arrive pas à trouver le courage de s’éloigner. D’aucun le trouverait idiot, mais pour James, c’est l’une des choses les plus terribles qu’il ait eu à vivre. Et ce sourire stupide qui refuse de s’effacer.

Une part de lui voudrait fuir, sait qu’il doit fuir, mais rien à faire. Heureusement, l’autre va bien finir par partir. Ils ont échangé quelques civilités, il n’y a plus rien à dire, plus aucune raison de s’éterniser. Chaque seconde qu’ils continuent de passer à se faire face rend la situation de plus en plus gênante. Il suffirait d’un pas en arrière pour que ça se termine, pour que l’inconnu puisse tracer sa route sans un regard en arrière. “Vous ? Vous allez bien ?” Il faut une bonne seconde à James pour vraiment comprendre que c’est lui qui vient de parler. Ça le surprend un peu, mais dans le fond, il a toujours su que ce jour viendrait. Celui où il ne pourrait plus s’empêcher d’aller un peu trop loin, où le monstre finirait par gagner un peu de terrain. Il peut le contenir encore un peu, mais c’est trop tard pour prétendre qu’il n’a pas parlé, alors… Autant s’expliquer plutôt que de se ridiculiser encore un peu plus. Parler, c’est autorisé. “Enfin, je veux dire… Vous aviez l’air d’être… en bonne compagnie, dans ce bar.” lâche-t-il, en faisant un signe de tête vers la porte, comme si l’homme ne savait pas très exactement de quel bar il parle, comme s’ils ne se tenaient pas juste devant.

“Qu’est-ce qu’il s’est passé ?” Au point où il en est, autant assouvir sa curiosité jusqu’au bout. Enfin, jusqu’au bout… Tant que ça reste de l’ordre de la conversation, bien sûr. Maintenant que la question est posée à voix haute, James réalise que peut-être, il s’est complètement trompé au sujet de ces hommes. Peut-être que c’est juste lui qui voit le mal partout, que si son esprit n’était pas aussi malade, il pourrait voir deux hommes ensemble sans s’imaginer des choses. Il pourrait parler à ce type sans espérer, même un peu, qu’il n’est pas sorti de ce bar quelques secondes après lui simplement par hasard.

Le jeu, il aimait ça. Et le frisson en valait la chandelle, très largement. Marvin se sentait vivant quand il était dans cette phrase de séduction, parfois charnière, très souvent émoustillante. Pourtant, cette soirée avait changé quand il avait croisé son regard. Et finalement, s'il était sorti du bar alors que la nuit était encore peu avancée. Pour cette situation gênante dans laquelle il venait de presque faire rentrer la porte dans l'homme qui lui avait perturbé sa soirée. Même si c'était pour une raison qu'il ne maîtrisait pas. On lui avait souvent dit qu'il y avait des évènements bénins qui pouvaient le bouleverser. Est-ce que c'était le cas ? Il n'en savait fichtrement rien. Ce n'était qu'un homme. Un parmi tant d'autres. Et il ne se sentait pas chamboulé. Juste curieux. Car c'était ce que quelque chose qu'il ne connaissait pas, qu'il en comprenait ni ne saisissait qui l'avait intrigué tellement qu'il avait fini par être obnubilé par le besoin d'aller comprendre.

Dehors, il avait essayé de passer pour décontracté, mais le coup de la porte l'avait, bêtement, déstabilisé. Il avait repris toute contenance au possible, mais il n'était pas le Marvin Harper décontracté en toute situation. Normalement, il réussissait mieux que ça à se gérer, si bien qu'il n'était la cause d'aucun incident de la sorte. Mais l'alcool déjà ingérer devait avoir réveillé une certaine forme de maladresse qui ne lui était pas propre.
Pourtant, il restait plutôt maître de ses mouvements, sans tituber, plutôt droit. L'alcool qu'il avait bu n'était pas suffisant pour qu'il s'en retrouve réellement imbibé. Il avait seulement le don de lui donner un semblant plus d'insouciante qu'en réalité. Parce qu'insouciant, il ne l'était pas. Cependant, il restait conscient. Conscient que la question du jeune homme qui se tenait face à lui tenait un peu plus que de la simple conversation. Mélange de curiosité mal placée, et d'une question non entièrement posée, elle faisait sourire Marvin, qui se posait désormais la question de la franchise, quitte à risquer de faire fuir le désormais jeu de la soirée, ou d'être dans la demi-mesure. Bien évidemment, subtil comme il était, il lui avait fallu réfléchir avant de choisir la demi-mesure. Parce que lui, il ne faisait pas vraiment dans la dentelle. « Oh.. !» fit-il, d'un air un peu trop extravagant, mais tout ça dans l'optique de gagner un peu de temps, avant de tenter de reprendre.« Je... me suis juste rendu compte qu'il n'était pas si intéressant que ça, finalement. La discussion ne menait nulle part.» Et pour cause : Marvin n'avait eu d'yeux que pour l'inconnu qui se dressait face à lui. Il lui sourit de nouveau, mais en essayant de paraître encore plus détaché que la fois d'avant : et ça sonnait vraiment faux.

Il finit par croiser son regard, et de planter le sien dedans, avant de lancer. « Et heu.. vous venez souvent ici ? » Il connaissait la réponse, puisqu'il passait la plus grande partie de ses soirées ici, et qu'il n'avait jamais entendu parlé ni même vu ce brun. Si ça avait été le cas, il s'en serait souvenu. Non ? Dans le fond, le Marvin dragouilleur était un peu perdu. C'était tellement un profil qu'il ne connaissait pas, par rapport aux gens qui venaient au bar qu'il ne savait pas comment agir. Et la suite de cette discussion ne lui avait jamais semblé aussi incertaine.

Un bref moment, James oublie presque complètement qu’il ne devrait pas être là. Il ne pense plus vraiment, ne voit plus que cet homme, son regard intense qui ne semble voir personne d’autre que lui, le sourire assuré au coin de ses lèvres et la façon dont sa voix résonne au-dessus de tout le reste. Ça remonte à loin, la dernière fois que le jeune homme a réussi à se concentrer réellement sur quelqu’un d’autre, sur ce qui se passe autour de lui plus généralement. Il sourit lui aussi et ça aussi, ça n’est pas arrivé depuis un moment. Hélas, ça ne dure pas. Son sourire meurt assez brusquement quand l’inconnu explique pourquoi il a abandonné sa conquête. Ce n’est pas le fait qu’il n’est pas sorti pour James qui est décevant. Non, c’est plutôt cette histoire de conversation qui ne va nul part, qui n’est pas assez intéressante pour capter l’attention de ce type. “Oh… Je vois.” souffle-t-il en baissant les yeux. Aucune chance que James puisse rivaliser en terme de conversation. S’il y a quelqu’un d’inintéressant dans cette ville, c’est lui, ça ne fait aucun doute. À ses yeux, en tout cas.

C’est une bonne nouvelle, quelque part. Tout comme le pauvre mec abandonné dans ce bar, James sentira bientôt le vide que laisse l’inconnu derrière lui quand il se désintéresse de vous. Sans qu’il ne sache trop comment, pourquoi, l’ingénieur est persuadé que c’est une sensation terrible, mais c’est toujours mieux que de prendre le risque de commettre une erreur qu’il ne pourra jamais réparer. C’est ce qu’il faut pour le convaincre de reculer, d’un seul pas, juste de quoi laisser la place à l’homme de prendre la fuite sans se sentir obligé d’être sympa avec James. Contre toute attente, il ne profite pas de cette occasion, au contraire, c’est lui qui relance la conversation, si on peut dire. Son approche manque tellement d’assurance qu’elle arrache un sourire à James, lui qui n’y connait pourtant rien à ces jeux de séduction dangereux. “Non.” répond-t-il dans un petit rire. “C’est la première fois que je mets les pieds ici, à vrai dire.” Il se demande vaguement pourquoi il est à ce point honnête, tout à coup, mais c’est trop tard de toute façon. “Ça se voit, non ?” Il lève vaguement les bras pour montrer à quel point il ne colle pas à l’ambiance de ce bar, ils retombent dans le vide une seconde plus tard. “J’allais partir, pour être tout à fait honnête. Ce n’est pas fait pour moi.”

Aussitôt qu’il a dit ça, qu’importe que ce soit à la fois la vérité et la meilleure chose à faire, il le regrette profondément. Ça lui est bien égal de planter son collègue sans prévenir, mais que ce type prenne cette remarque pour un désir de mettre fin à la conversation… ça le rend un peu trop anxieux et s’il n’aime pas ça, il semble pourtant qu’il ne puisse rien faire pour lutter contre son instinct. “Où est-ce que vous vouliez aller avec cette conversation ?” demande-t-il, sans trop savoir ce qu’il cherche, outre de retenir encore un peu l’inconnu. “Vous auriez peut-être dû lui dire clairement, certaines personnes ont quelques difficultés avec la subtilité.” Tout à coup, James espère sincèrement que ce type fait justement parti de ces gens qui ne comprennent rien aux sous-entendus. Parce qu’il n’est pas fou, pas vrai, tout ce qu’il vient de dire pourrait être pris comme tel ? Il est presque sûr que plus il parle, plus il s’enfonce dans des choses qu’il ne maîtrise et ne veut vraiment pas.

Il se trouvait face à ce magnétique jeune homme. Et il ne savait pas trop comment s'y prendre. Pour la première fois depuis longtemps, il avait l'impression de manquer de ce petit de quelque chose qui faisait normalement si bien marcher son charme lors de ses plans drague.
Il avait pourtant essayé, au moins, de lui faire comprendre que l'autre homme l'avait désintéressé parce que désormais, il avait les yeux rivés sur quelqu'un d'autre. Pourquoi, il n'en savait fichtrement rien. Mais apparemment, ce n'était pas ce que boucle d'ébène semblait comprendre. Sa réaction lui fit l'effet d'un pincement fort et désagréable au coeur. Pourquoi est-ce que tout à coup, il était intéressé par cet homme qui n'avait rien du genre qu'il recherchait en général chez les autres, sauf peut-être ce charme hypnotisant sur lui ?
Il fit mine de rien, et continua à l'observer de la tête aux pieds, discrètement, tandis qu'il laissait passer cette pointe de désappointement dans sa voix. Il soupira un instant, avant de finalement, répondre, du tac au tac, et totalement imperturbable.«Je ne m'arrête pas aux apparences. Du coup, ça a beau se voir, ou en laisser l'impression, ce n'est pas pour autant que je me laisse penser que c'est la vérité.» dit-il en haussant les épaules, l'air désinvolte.«Même si pour le coup, c'était le cas.» Partir ? Il aurait bien tout fait pour ne pas lui en laisser l'occasion, mais il prônait la liberté de tous et chacun. Pourtant, il n'hésita pas une seconde à essayer de défendre son bifteck - sans sous-entendus. «Oh, je vois. Moi qui allais vous proposer de boire un verre ensemble..» fit-il, déçu malgré tout. Mais peut-être que ce genre de psychologie ratée pouvait marcher. Après tout, lui il n'avait rien à voir avec la psychologie, et ça se sentait, ça se voyait.

En tout cas, Marvin le sentait au fond de lui : malgré lui, l'homme lui montrait un certain intérêt. Certes, ce n'était pas forcément une bonne chose pour lui car Marvin avait cette désagréable habitude de laisser tomber les gens uns à uns, et de ne pas s'attacher. Mais si ça se trouvait, ça n'était qu'une impression, et le professeur se surestimait; Oui, il préférait essayer, mais ne pas se faire de faux espoirs sur cette relation qu'ils pourraient avoir, qui ne mènerait à rien. «Et bien, figurez vous que je ne voulais plus aller nulle part...» depuis que j'ai croisé vos yeux. Il se racla la gorge et essaya de reprendre, non suspect. «Quand j'ai compris que c'était une personne inintéressante. Je mets souvent court aux conversations dans ces cas là. La vie est trop courte pour prendre du temps, vous ne pensez pas ?» si là, il ne lui faisait pas une invitation déguisé, il ne savait plus quoi faire..!

Boire un verre ? James est peut-être complètement inadapté, car cette invitation qui n’en est pas vraiment une le prend totalement par surprise. Si un type comme celui du bar a réussi à perdre l’intérêt de celui-là, il ne voit vraiment pas comment lui pourrait le conserver. De quoi peut-il parler qui ne soit pas terriblement inintéressant ? Son travail pour le Gouvernement ? Sa femme ? Ses dimanches à l’église ? Non, ils n’ont vraiment rien à se dire et pourtant, un sourire s’impose aux lèvres de James sans qu’il n’y puisse rien et à cet instant, il donnerait vraiment tout pour être la personne la plus passionnante au monde. Il pourrait presque l’être, après tout. Cet homme ne le connaît pas et les chances qu’il revoit James un jour sont vraiment, vraiment minces. C’est la première fois qu’il sort depuis une éternité, et dans un bar ? Ça ne se reproduira jamais. Et tandis que l’inconnu lui explique qu’il n’espérait rien de l’autre conversation, l’informaticien repense à toutes ces fois où il a été quelqu’un d’autre, ces temps-ci. Le tatouage sur ses côtes, l’herbe qu’il a fumé dans les toilettes, son petit tête-à-tête avec Rafaël… Il ne sait pas trop qui il est, dans ces moments-là, mais une chose est sûre : il est heureux. Alors, quand l’inconnu en vient à lui demander s’il ne trouve pas, lui aussi, que la vie est trop courte pour ne pas profiter de chaque seconde… “Vous avez totalement raison.” répond James, sa voix étonnement ferme.

Son sourire gagne en assurance et pour une brève seconde, il parvient à détacher son regard de l’inconnu pour jeter un oeil à la porte dans son dos. “Je dirai oui.” lâche-t-il, comme venu de nulle part. “Si vous m’invitez à boire un verre, ce sera oui.” Après tout, l’invitation était un peu trop subtile et peut-être qu’au cours des trois dernières minutes, le pauvre homme a bien failli mourir d’ennui cent fois et changé d’avis au passage. Il aurait pu fuir si c’était le cas et il est toujours planté là, mais James préfère ne présumer de rien. “Même si j’aimerais mieux qu’on aille le prendre ailleurs, si vous voulez bien.” Il pointe la porte du bar d’un signe de la tête, un air désolé sur le visage. “Je suis venu là avec un collègue, que je viens d’abandonner lâchement au prétexte d’une urgence. J’imagine que “boire un verre avec un bel inconnu” n’est pas considéré comme une urgence pour la plupart des gens ? Ce n’est pas mon collègue préféré, mais l’ambiance risque d’être assez lourde au bureau demain matin s’il me voit avec vous dans ce bar.”

Il est surtout hors de question que quelqu’un sachant qu’il est marié le voit avec une autre personne et encore moins un homme. Prendre quelques risques une fois de temps en temps pour le plaisir du frisson qui vient avec, c’est une chose, mais faire exploser sa vie toute entière parce qu’un mec a eu l’audace de lui sourire et de l’éblouir au passage… S’il abandonnait tout à chaque fois qu’il se retournait sur un homme dans la rue, il n’aurait plus rien depuis bien longtemps. “Il y a un autre endroit où vous aimeriez aller ?” demande-t-il, de plus en plus assuré à mesure qu’il parle. Il doit se concentrer un peu, mais ça ressemble plus à être lui-même qu’à jouer un rôle. “Sauf si ma conversation vous ennuie déjà, bien sûr. J’en serais dévasté, mais je comprendrais.” Il termine par un sourire à deux doigts d’être vraiment radieux, alors qu’intérieurement, il prie tous les Dieux de lui accorder au moins ça.

Obtenir ce qu'il voulait, en toute circonstance, c'était son mot d'ordre. Et là, ce qu'il voulait, c'était son inconnu, avec sa gueule d'ange, ses yeux qu'il leur trouvait une petite couleur ambrée, des plus charmantes. C'était sûrement ça qui lui avait de suite fait perdre son attention pour sa proie du soir : le charme qu'il dégageait. Il aurait pu avoir qui il voulait d'accessible s'il y travaillait un peu, mais il préférait viser ce qui lui semblait impossible : C'était lui, et sûrement son petit côté cadenas impossible à déverrouiller, ce mystère qu'il dégageait qui ne le rendait que plus attirant, bien qu'il ne le soit déjà sans ça.

Sa petite remarque, qu'il jouait au tout pour le tout avait fonctionné, et il n'était pas loin de se gargariser de ce petit effet qu'il avait eu. Il avait vu les sourcils légèrement froncés de son inconnus de dégager, lissant son visage, l'adoucissant. Il essaya de se retenir, mais le «Je sais.» qui était sorti, accompagné de ce sourire malicieux qui le faisait si facilement gagner à chaque fois était sorti de lui sans même qu'il n'ait la possibilité de le retenir. Oh, douce humilité perdue. Ce n'était qu'une réflexion sur la durée de la vie, pas une découverte scientifique majeure, Marvin !
Il avait laissé les secondes, longues, passer, jouant de frustration sur son esprit déçu. Il avait mis les mains dans les poches, et jouait avec un bibelot que lui avait laissé sa soeur lors de sa dernière visite -il y a fort fort longtemps. Marvin avait senti le sol se dérober sous ses pieds, jusqu'à ce que les mots du jeune homme ne viennent à le rassurer. Dans son fort intérieur, il soupira de soulagement. «Oh, je vois. Vous viendrez donc boire un verre avec moi ?» demande-t-il, totalement assuré maintenant que le brun lui a avoué qu'il accepterait même s'il voulait partir. Il sourit en hochant la tête à sa demande. «Oui, bien sûr ! Je ne voudrais pas que vous ayez des relations difficiles au travail par la faute d'un parfait inconnu. Par ma faute, bien sûr..»

Le charme avait opéré. Encore une fois. Enfin, pour l'instant. Et il en était si fier. C'était un peu ce qui le tenait debout après toutes ses galères : avoir réussi à chaque fois à obtenir ce qu'il voulait, avec plus ou moins de travail selon le cas. Même s'il devait partir de son QG. Le jeu en valait la chandelle ! Et puis, au pire, il connaissait au moins un autre endroit. Puisqu'en général, il ne bougeait pas beaucoup.. «Il se peut, oui.» dit-il, en pensant à ce fameux bar, à la sortie du district, à quelques deux ou trois minutes de transports en communs d'ici, où il allait quand il rencontrait sa mère. C'était hors du District, et là bas, personne ne faisait attention à ce qu'il se passait. L'avantage, c'était que Marvin ne risquait pas de se faire signalé pour avoir une nouvelle personne à conquérir là-bas, puisque jamais on ne l'avait fait remarquer qu'il était toujours en lien avec celle de qui on l'avait séparé si tôt. «Ce n'est pas le cas. Vous seriez le premier à le savoir.» ajouta-t-il, joueur, avant de reprendre. «Je connais un endroit, mais il ne faut pas avoir peur. Il faut sortir du District.» Il l'avait regardé de la tête aux pieds, sans le juger. Mais il n'avait pas vraiment l'air d'être le genre d'homme à aller dans ce que d'autres appelaient "la jungle", mais plutôt un de ceux qui vivent au capitole. Restait plus qu'à savoir s'il finirait le trajet vers là-bas seul ou accompagné..

Sortir du District. Alors que depuis quelques minutes, James oublie complètement le sens des réalités, cette information le ramène droit sur Terre. Son sourire s’efface brusquement et une seconde, il oublie même de respirer, son regard fixé sur l’homme qui vient de lancer cette invitation avec une étonnante nonchalance. Ce n’est pas le fait qu’un homme s’intéresse à lui, pas non plus qu’il ait terriblement envie de dire oui et de suivre cet inconnu jusqu’au bout du monde. Sortir du District, c’est autorisé bien sûr, mais le faire en pleine nuit pour aller traîner dans un bar… Ceux qui n’ont rien à se reprocher ne font pas ça, voilà ce qu’en pense James. Quoiqu’il ait pas mal de choses à se reprocher en ce moment, rien que le fait qu’il ne peut s’empêcher de s’imaginer toucher cet homme, qu’il se laisse aller à flirter avec lui… C’est une chose qu’il a tout intérêt de faire loin des regards indiscrets et rien de mieux pour ça que d’aller hors du District. “D’accord.” souffle-t-il donc, après ce qui semble être une éternité, quand il parvient de nouveau à respirer. Un sourire un peu timide lui échappe, il n’est pas très sûr de ce qu’il est en train de faire et surtout, il se demande bien ce que cache cet homme pour être le genre à traîner dans des endroits pareils. Il a envie de lui poser la question, mais il suffit qu’il croise le regard de l’inconnu pour que toute forme de pensée cohérente ne disparaisse et à la place, il se retrouve à sourire comme un crétin. Il sent le rouge qui monte sur ses joues, c’est sans doute encore assez discret pour ne pas lui donner l’air totalement idiot, mais désespéré de sa propre stupidité, James se racle la gorge et désigne la rue d’un vague geste de la main. “Je vous suis, allons-y.”

Il évite soigneusement de réfléchir à ce qu’il fait alors qu’il emboîte le pas de l’homme jusqu’à un vélo attaché à quelques mètres de là. C’est à peine si James peut y croire quand l’homme l’invite à s’installer dessus et il lâche un petit rire désabusé, mais se met quand même en selle. Il s’installe comme il peut et, sans y réfléchir vraiment, s’accroche aux hanches de l’homme quand il prend place lui aussi pour les mener jusqu’à ce fameux bar probablement pas très recommandable. La destination devient vite un détail quand l’homme commence à pédaler et qu’ils s’éloignent peu à peu des rues éclairées du centre. James ne réalise même pas qu’il se presse un peu plus contre l’homme dont il ne sait toujours rien et qu’il laisse quand même aux commandes. Il se sent bien, tellement bien, comme s’ils faisaient ça tous les jours. Il leur faut une éternité pour sortir de la ville, c’est de plus en plus angoissant et libérateur à chaque fois que le paysage se vide. James ne dit pas un mot, trop occupé à profiter seulement du moment le plus dingue de toute sa vie et après toutes les bêtises qu’il a fait ces derniers temps, c’est presque une surprise pour lui de réaliser que c’est ce moment-là qui lui paraît le plus délirant.

Il carbure clairement à l’adrénaline et rien d’autre quand le vélo ralentit jusqu’à s’arrêter complètement. À contre-coeur, le jeune homme laisse son guide s’échapper de ses bras et descend du vélo à son tour. Il n’a pas bu une goutte d’alcool, mais il se sent pourtant euphorique exactement comme quand il est ivre. Il regarde autour de lui ce paysage totalement inconnu tandis que l’homme s’occupe de son vélo et quand il se redresse et se tourne de nouveau vers James, ce dernier ne s’explique pas vraiment ce qui se passe. Ce n’est pas avec sa tête qu’il pense en ce moment, c’est certain. Il se rappelle brièvement de Rafaël dans ce petit bureau fermé à clé à l’étage du salon de tatouage, au détail près que c’est cet homme qu’il voit à la place du prostitué qui a bien failli le faire basculer pour de bon dans les ténèbres. Cette fois, il reconnaît la chaleur qui se disperse très lentement dans ses veines et ça ne lui fait pas peur, au contraire il se surprend même à refermer ses doigts sur le poignet de l’inconnu. Il le tire doucement vers lui, en même temps qu’il s’approche d’un pas. Sa main libre s’accroche à son haut et une seconde plus tard, ses lèvres rencontrent celles de l’inconnu. Ce n’est pas l’un de ces grands baisers de cinéma, c’est à peine s’il dure plus de quelques secondes à vrai dire, avant que James ne s’éloigne, sourire aux lèvres. “Désolé,” souffle-t-il sans avoir l’air vraiment coupable, “alors, on va le boire ce verre ?”

Désormais, il venait d'entendre le jeune homme qui lui acceptait cet espèce de rendez-vous surprise et très mal dégoupillé. Et si pendant le temps qu'il mettait son casque, Marvin l'a observé, et a remarqué comme une timidité de jeunesse, ça l'a fait plus fait sourire que ça ne l'avait inquiété. Non. Dans le fond, il se trouve serein. Il met son casque à lui (heureusement, il en avait toujours un deuxième dans la petite boite qui lui servait de coffre. Au cas où ce genre de situation ne se produise.) et l'observe de nouveau. Bon. Même s'il aurait préféré pouvoir avoir la moto de sa mère, qui avait été si longtemps dans le garage, avant que son père ne la fasse disparaître, une fois sa mère arrêtée. Il paraissait que ça polluait trop. Et ça n'est venu en tête à personne d'essayer de les rendre non polluantes ? Enfin.. ça a tout de même plus de classe un scooter qu'un vélo. Même si le sien était plutôt pimpé en mode balec. Il aurait laissé des enfants se faire la main dessus que c'était pareil. C'était quand même classe, un vélo, non ?
Mais au moins il a une impulsion électrique, et c'est déjà ça. Il ne rique pas de s'en plaindre, mieux que de pédaler avec le poids du vélo, le sien et celui d'un éventuel passager à supporter.

L'air lui caresse le visage pendant qu'ils avancent. Pour une raison qu'il ignore, son cœur s'est emballé en sentant les bras de l'inconnu s'accrocher et serrer son buste. Mais il a décidé de faire comme si rien ne se passait de ce côté là, et a continué à pédaler, jusqu'à sortir de la limite de la ville, pour, quelques mètres plus loin, s'arrêter et descendre une fois que son passager met les pieds à terre. Et quel atterrissage ! Marvin n'a pas le temps de réagir après avoir mis la sécurité sur son vélo qu'il sent la main de l'inconnu se serrer sur son poignet. Une sensation qui lui arrache un frisson et qui semble diffuse dans son corps. Et quand, pas plus de deux secondes plus tard se rencontrent leurs lèvres dans une impression, un sentiment de bonheur perdu retrouvé. Et c'est justement ce ressenti qui, doucement afin de passer inaperçu, lui fait s'éloigner de lui, au même moment où le fait le brun. Il sourit en guise de réponse. Il ne devait pas être désolé. Mais Marvin ne savait pas le dire. Il a pris peur en sentant une émotion inconnue frétiller dans son être. «C'est juste là.» dit-il en montrant l'enseigne du bar. Ici, il ne connaissait que le patron, Bard, qui se prénomme en vrai Tom. Et à la suite de son nouvel "ami" il se met à marcher, en regrettant d'avoir arrêté si vite l'emprise de ses lèvres sur les siennes. Ils ont la soirée devant eux, c'est un évènement qui pourrait très bien se reproduire ! En tout cas, il l'espère.

Pas un mot, rien. Alors que sans véritable raison, James vient d’embrasser un complet inconnu, ce dernier ne trouve rien à répondre, aucune réaction à démontrer. C’est assez troublant, d’autant plus quand il se contente tout juste de désigner le bar au jeune homme. Est-ce une autre entrée à ajouter à la liste de plus en plus longue des erreurs de James ? Peut-être. Mal à l’aise, un peu honteux, James hoche la tête puis baisse les yeux alors qu’il avance et entre dans le bar sans dire un mot. L’intérieur n’est pas exactement comme il l’imaginait. C’est calme, mais chaleureux, il n’y a pas autant de monde que dans celui qu’ils viennent de quitter et à vrai dire, James n’est plus tout à fait sûr d’apprécier cette nouvelle intimité. Il se sent tellement stupide, ridicule. Il ne connaît même pas le nom de ce type, alors qu’est-ce qui a pu lui faire croire que c’était une bonne idée d’agir comme ça ? Peut-être simplement que sa seule expérience dans le domaine soit avec un homme qui se fait payer pour ça. C’est sûr que ça change tout, il aurait dû le comprendre bien avant de se ridiculiser. Au moins l’inconnu a la gentillesse de ne pas l’abandonner à son sort.

Nerveux, James s’installe à une petite table où les ombres le font se sentir en sécurité. Il regarde partout autour de lui, sauf dans la direction de l’autre, bien trop humilié pour affronter directement son regard. Hélas, le silence est pesant et n’arrange rien à son angoisse, alors après quelques secondes, même s’il ne sait pas quoi dire, quoi faire, le jeune homme décide qu’il est temps d’essayer quand même. “Excusez-moi,” dit-il en osant à peine relever les yeux vers son interlocuteur, “je ne voulais pas vous mettre mal à l’aise, j’ai cru…” Il se demande bien ce qu’il a cru, finalement. “Peu importe. Je suis désolé.” Il en a assez fait pour ce soir et préfère ne pas chercher plus longtemps comment justifier ce geste idiot. Comme pour le sauver, quelqu’un approche pour prendre leur commande et quelque peu dépassé, James porte son choix sur une bière. Il n’en a jamais bu, mais c’est ce que font les gens quand ils vont dans des bars, pas vrai ? Il faut qu’il ait l’air un peu plus normal, à tout prix. Il faudrait peut-être commencer par demander à cet homme comment il s’appelle, c’est la moindre des choses, mais ça implique d’être honnête en retour et il n’en a aucune envie. Tandis que le serveur s’éloigne avec leur commande, James pose les mains sur ses genoux et, aussi discrètement que possible, profite qu’elles soient invisibles sous la table pour retirer son alliance qu’il cache dans sa poche. C’est la première fois qu’il l’enlève en deux ans et ça ne lui fait rien.

“Alors,” souffle-t-il en forçant un sourire, tandis qu’il repose ses deux mains sur la table, “cet endroit, c’est… original.” Son regard balaye à nouveau la pièce autour d’eux. Il a suivi l’homme jusqu’ici, donc il est trop tard pour jouer les vierges effarouchées, mais il a bien le droit d’être un peu surpris et curieux, non ? C’est exactement ce que ressentirait une personne sensée, bien avant de suivre un inconnu aussi loin de la civilisation. “Non pas que ça me dérange, puisque je suis là, mais vous reconnaîtrez que ce n’est pas commun. Comment est-ce que vous connaissez cet endroit ?” Il est assez surpris de sa propre aisance à faire la conversation, mais quand il croise le regard de l’homme, plus tellement. Il a l’air tout simplement… différent. Peut-être un peu dangereux, mais passionnant aussi. Il a l’air de tout ce que James n’est pas et ce dernier veut tout savoir.

C'était une sensation étrange, cette fois-ci. Amener un parfait inconnu, qui plus était qui respirait de toutes ses pores l'aisance financière, comme pour lui rappeler certains de ses collègues insupportablement bien sur tout rapport, qui forçaient un peu le rythme de vie, et qui laissaient transpirer leur appartenance à une classe supérieure. Et si Marvin était en Caste Deux, il en était ravi : Plutôt bien, pas vraiment excellent ni vraiment mauvais. Tout était parfait pour lui. Et peut-être qu'avec le temps, de sa petite place, il pourrait faire bouger les choses.
Mais peut-être pas en amenant des inconnus bien trop différents de lui aux abords de la ville. C'était un danger non-mesuré qu'il n'était pas certain de réussir à assumer. Malgré tout, il ne fallait pas se mentir : Qui pouvait se vanter en ville de ne pas avoir, au moins une seule fois, enfreint une règle de ce gouvernement ? Ils étaient bien rare, les gens vraiment parfaits sous toute mascarade. Se pouvait-il qu'il en ait désormais un sous les yeux, alors qu'il s'avançait vers le bar?
Sauf que si ça n'était pas déjà fait, il venait de commettre ce qui s'appellerait une erreur pour certaines personnes : embrasser un inconnu. De caste 2. Un fils rejeté par son père pour avoir voulu protéger une mère qui avait créé une faille avec ses petits copains d'un obscure groupe de rébellion. Stupide, mais surement le précurseur de quelque chose qu'il finirait bien par suivre lui aussi. Elle avait fait bouger les choses, elle, au moins. Et pour l'instant, on pouvait dire que ça n'avait pas servi à beaucoup de changements, cette tentative de filer un coup de pied dans la fourmilière. Pourtant, Marvin n'avait de cesse d'espérer à chaque instant que la disparition de sa mère de sa vie ne serait jamais vaine. Même si lui n'avait pas ni les mêmes idées, ni le même courage que sa génitrice pour agir vraiment. Pour l'instant.

Il s'installa en face de l'homme, sur une petite table, encore la tête dans leur baiser, tiraillé avec cette envie d'en savoir plus. Mais pas forcément pour les bonnes raisons. Rendre le monde comme ce qui était dans les histoires anciennes qu'il avait étudiées. C'était la chose qui lui avait parue la plus probable dans l'éventualité même d'une simple relation d'un soir avec cet homme qui pouvait finalement très bien ne pas être en Caste 1, juste avoir de l'allure. Après tout, il y avait de très bonnes éducations dans chaque caste, et le secours populaire donnait souvent de très jolis vêtements que certains aisés n'utilisaient pas vraiment longtemps. Pas assez pour les abîmer. Que de spéculations ! «Il n'y a vraiment aucun problème, ni même de malaise. Je vous en fait le serment..» Et même s'il voyait là une proie facile, et peut-être l'occasion de dégoter quelques petites infos pour arriver à réintégrer sa mère dans le District, ce baiser, il l'avait vraiment apprécié. Et la sensation restait en boucle dans sa tête. Il était presque comme un adolescent en train de tomber amoureux. Mais Marvin, lui, ne tombait jamais vraiment amoureux.
Marvin lui offrit son plus beau sourire, en guise de tranquillisant. Il lui aurait bien laisser comprendre qu'il avait bien cru, mais.. ce n'était tellement pas le genre de Marvin. Et où était le jeu si on mâchait tout le travail à l'autre ? Il rit légèrement et haussa les épaules avec le genre de désinvolture révoltante dont il savait si bien faire preuve. «N'est-ce pas ?» fit-il comme si c'était normal, satisfait de lui-même. Ce bar, il l'adorait tout simplement. Et il était bien content d'avoir toujours des relations avec sa mère, là où désormais ils se retrouvaient. Ce qu'il ne risquait pas d'avouer, encore moins à un inconnu de quelques minutes. «Par pur hasard en me promenant pendant une de mes sorties. J'aime bien marcher, et mes pas m'ont mené hors de la ville, jusqu'à ici. Et heureusement, j'avais grand soif après tant de marche!» annonça-t-il en plaisantant, riant seul à sa blague. Comme c'était facile de mentir quand on s'appelait Marvin Harper.. Tout était désormais simulé, contrôlé, arrangé à sa façon. Il n'était pas sûr que la famille qu'il formait autrefois avec sa sœur et ses deux parents réunis ne serait très fière de ses inventions sur sa vie. Même si pour le coup, ça les avait sauvés plus d'une fois, Meilynn et lui.
Il attendit quelques instants, quand un serveur vint à prendre leurs commandes, avant de reprendre la parole. «Au fait.. Il me semble que nous ne nous sommes pas...formellement présentés. Je suis Marvin» dit-il accompagné d'un sourire. Après tout, il lui faudrait bien un prénom à haïr après que Marvin ne soit passé à autre chose, surement bien plus vite que lui, comme ça arrivait assez souvent..

Cet homme a une aisance, une prestance, parfaitement étrangère à James. Ça le fait sourire, comme un idiot, même s’il essaye de toutes ses forces de le contenir, chaque fois qu’il l’entend parler, chaque fois qu’il le regarde bouger. Ça n’a pourtant rien d’exceptionnel d’être plus assuré que l’informaticien, honnêtement, mais de là où il vient, on n’emmène pas un inconnu dans un petit bar paumé hors des murs de la ville, tout en gardant cet air décontracté, presque amusé. C’est aussi la première fois, depuis l’incident que James suit les conseils de son frère et ne détourne pas le regard quand il se pose sur un homme qui lui plait. La première fois qu’il se permet d’apprécier plutôt que de fuir, honteux, pour se flageller pendant des heures. C’est peut-être ce qui rend cet inconnu si fascinant, finalement, mais ça lui est bien égal. Il écoute, captivé et sourit de plus bel quand l’inconnu se présente, lui renvoyant un sourire cent fois plus éblouissant. Il en reste étourdi un instant et il doit prendre sur lui pour se sortir de cet état proche de la transe. Il se redresse légèrement, se racle la gorge encore plus légèrement, bien décidé à ressembler autant que possible à un être humain normal plutôt qu’à un crétin énamouré. “Enchanté, Marvin.” souffle-t-il, non sans difficultés. Il doit avoir l’air complètement attardé, tant il est ailleurs, sur son petit nuage, mais il est soulagé d’arriver encore à parler. “Moi c’est J… Henry.”

Son sourire tremble un peu, il détourne les yeux et se mord l’intérieur des joues, priant de tout son coeur pour que son hésitation passe inaperçue. Il n’a plus envie d’être James ce soir, car personne ne regarde James comme cet homme le regarde en ce moment. Un jour, peut-être, mais pour le moment ça ne lui fait rien d’être quelqu’un d’autre et même de mentir. Ce n’est pas comme s’il avait une chance de voir ce semblant de début de quelque chose survivre à cette nuit, de toute façon. Demain, même s’il aimerait que ce soit différent, il sait qu’il recommencera à s’en vouloir comme il le fait à chaque fois. Tout ça est un problème pour demain et il décide de ne pas s’en préoccuper plus tôt. Malheureusement, il n’a toujours aucune idée de comment gérer la situation dans laquelle il se trouve maintenant. De quoi peut-il parler, que peut-il dire et que doit-il taire à tout prix ? Certaines réponses sont évidentes, d’autres beaucoup moins et le fait qu’il soit là uniquement parce que Marvin s’est brusquement désintéressé de l’homme avec qui il était juste avant fait reposer une certaine pression sur ses épaules. Il faut qu’il soit à la hauteur et qu’il rivalise avec quelqu’un qui n’est probablement pas aussi novice que lui en la matière.

“Très bien, je vais vous faire un aveu, mais promettez-moi de ne pas rire.” souffle-t-il, décidant que la meilleure façon d’avancer dans cette conversation est peut-être tout simplement de rester lui-même. Ou du moins, autant lui-même qu’il peut se le permettre sans donner envie à ce pauvre homme de partir en courant. Il laisse passer quelques secondes et reprend, un peu moins anxieux malgré le ridicule de ce qu’il s’apprête à dire. “C’est la première fois de ma vie que je sors de la ville, même pour une balade.” Un rire léger lui échappe, à peine audible et qui meurt aussitôt. Au moins, il n’a jamais manqué d’autodérision, sans quoi il n’aurait pu survivre très longtemps dans ce monde parfaitement hostile à sa personne. “Je sais que ça a l’air dingue, mais c’est encore plus dingue pour moi de découvrir qu’il y a des bars même ici… Sans compter qu’on ne nous encourage pas vraiment à sortir des limites de la ville… Qu’est-ce qui vous a donné l’idée de vous balader par ici, sérieusement ?” Il lève vaguement les mains devant lui en signe de reddition et ajoute rapidement : “Je ne vous juge pas, c’est de la pure curiosité.”

Il l'avouerait bien volontiers : son compagnon du soir était particulièrement mignon. Dans tous les sens du terme. Entre sa gêne fort mesurable, sa façon de parler, son comportement, et son physique, voilà qu'il avait tous les atouts en main pour faire tomber Marvin dans ses filets. Enfin, n'allons pas trop vite en besogne, Marvin Harper était trop "haut" pour les sentiments amoureux. L'était-il vraiment, d'ailleurs ? Non, sûrement pas. Mais c'était agréable de s'imaginer que quelque part, bien au fond de lui, ça pouvait être le cas. Se sentir au delà des conventions humaines et de la société, c'était tout ce à quoi il aspirait. Alors pourquoi faire semblant que ça n'était pas possible, quand il pouvait faire semblant que ça l'était ? Beaucoup trop complexe, même pour lui.

Ils étaient installés correctement autour d'une table, et Marvin se trouvait plutôt fort dépourvu. Inaccessible et étrangement serein, c'était ainsi qu'il caractérisait le jeune... Jhenry ? Henry.«Enchanté moi aussi, Henry.» Et après avoir décliné son identité, voilà qu'il semblait tout à coup beaucoup plus nerveux. Oups. Il avait fait quelque chose pour le mettre dans cet état ? Non, surement pas. Il devait se faire des films, voilà tout. Si ça se trouvait, son "ami" n'était pas stressé ni nerveux, c'était une situation habituelle. Oui, voilà, c'était donc ça. Evidemment...!

Mais l'appui de son angoisse semblait venir d'une toute autre chose que ce qu'il y en avait l'air. Il sourit légèrement, en baissant la tête moins d'une seconde avant de la relever, et planta son regard dans celui de l'homme face à lui. «Oh, je vois. Ne vous inquiétez pas, je ne vous ai pas fait venir ici pour vous tuer, quoi qu'il en soit.» Très rassurant, Marvin ! Quand bien même il ne comprenait pas les gens qui ne sortaient pas de la ville, il savait qu'ils étaient nombreux. Beaucoup trop. Les gens ne se demandaient jamais ce qu'il y avait "au delà des frontières" ? Comment pouvait-on ne pas avoir de curiosité si malsaine qu'elle nous poussait dans nos retranchement ? Dans le fond, Marvin ne le réalisait pas, mais sans les retrouvailles récurrentes avec sa chère mère, il ne connaitrait surement pas ce coin. Mis à part en suivant une conquête pour lui faire croire que c'était elle qui décidait de ce qu'ils faisaient. «Ravi de vous faire découvrir, alors. Vous n'avez donc jamais été tenté de découvrir autre chose que Washington ? L'histoire ne vous intéresse pas, j'en déduis ?» Ce n'était pas un reproche. Plus un moyen de faire connaissance. Bien qu'il ne mette surement les pieds dans le plat.

Il sourit, largement gêné par cette question. Il n'était pas prêt à dire la vérité : même Vanessa l'ignorait, et c'était mieux comme ça. Pourtant, elle semblait être le seul être humain avec lequel il avait réussi à former un véritable lien. Alors un inconnu sûrement de passage dans sa vie.. Mais pourtant, quelque chose le poussait sincèrement à dire la vérité, et il ne savait pas pourquoi.. Par mesure de sécurité, il laissa s'étirer un grand sourire.«J'imagine que j'avais beaucoup de curiosité, si bien que mon subconscient m'a trainé jusqu'ici pendant que je me baladais aux abords de
la sortie. J'aime beaucoup marcher en ville. Et j'adore l'histoire. C'est une partie de mon métier, également. Si bien que ça a déteint sur moi.» Dans son mensonge, il y avait une part de vérité. Et c'était très bien ainsi.

Marvin regarda le jeune homme, se risquant à la détailler. C'était un je-ne-sais-quoi qui l'intriguait certainement, accumulant une farandole de question à lui poser. Bon sang... «Qu'est-ce que vous faites de beau dans la vie, Henry ?» demanda-t-il, en prenant son verre qui venait d'arriver, et buvant une gorger, sans pour autant lever ses yeux du visage du jeune homme.

Marvin ne se moque pas, excellent point en sa faveur et sa plaisanterie arrive même à arracher un semblant de rire à James. S’il s’agit bien d’une plaisanterie, évidemment. Il n’existe pas réellement des gens qui pourraient faire semblant de séduire quelqu’un dans le but de le tuer, n’est-ce pas ? C’est une question que James aurait sans doute dû se poser avant d’accepter de suivre cet inconnu si loin. Il pourrait même se la poser maintenant, mais très franchement, il est à des lieues de ces préoccupations pour l’instant. S’il doit mourir ce soir, au moins ce sera en homme heureux ! Un autre petit rire silencieux lui échappe quand l’homme présume qu’il ne s’intéresse pas à l’Histoire. Ce n’est clairement pas sa passion, mais… “Détrompez-vous, mon père est professeur d’Histoire, pour tout vous dire. Et il est vraiment passionné par l’ancien monde, au point de nous imposer pas mal de choses venues tout droit du passé.” détrompe-t-il aussitôt, de plus en plus détendu à mesure qu’il sent l’autre homme s’ouvrir à la conversation. “Cela dit, c’est aussi un homme très strict avec ses enfants et je n’ai franchement jamais envisagé de désobéir à ses règles. L’une d’elle consistait à ne pas sortir de la ville sans une excellente raison. J’ai bien peur qu’il ne vous considère pas comme tel, mais il semblerait que moi, si.” Il sourit, intimidé par son propre aveu et détourne rapidement les yeux. Il a l’impression d’avoir fait tellement de faux pas ce soir qu’il n’est plus à un près, mais il ne peut s’empêcher de se mettre une pression quasi insoutenable sur les épaules pour que tout se passe bien. Dans quel but, cela dit ? Voilà une autre excellente question qu’il devrait envisager de se poser. Qu’espère-t-il tirer de tout ça ?

Ce qu’il veut pour le moment, c’est que cette conversation ne prenne jamais fin. Elle n’a pourtant pas grand chose de passionnant, en toute objectivité. Voilà seulement deux hommes qui tentent de faire connaissance, non sans une certaine maladresse comme James en a coutume chaque fois qu’il a le malheur de s’approcher d’un autre être humain. Ce serait sans doute barbant pour n’importe qui les écoutant par hasard, mais pour le jeune homme c’est tout autre chose. “Je suis ingénieur informaticien,” souffle-t-il quand l’homme lui demande ce qu’il fait dans la vie. “J’assure la sécurité du parc informatique du Ministère de l’Intérieur.” C’est une information qui, au même titre que son nom, aurait sûrement tout à gagner à rester secrète. Hélas, James flotte si haut sur son petit nuage que tout ce qui ne met pas directement en danger la flagrante attraction entre eux n’est qu’un petit détail auquel il ne prête aucune attention. “Ce n’est pas le genre de carrière qui rend très aventureux.” Il faut croire que la flamme de l’aventure brûle tout de même quelque part en lui pour qu’il se trouve là alors que c’est contraire à tout ce qui a toujours fait sa vie. “Plutôt le genre qui vous fait mettre chaque seconde à profit pour gagner des points, aux dépens de la vraie vie.” ajoute-t-il, quelque peu amère.

“Et vous, alors ?” demande-t-il pour vite chasser l’ombre qui passe brièvement devant ses yeux. Il a perdu du temps, c’est vrai, et bien des occasions d’être heureux et d’apprendre à s’accepter, mais il est encore jeune, il a encore toute une vie devant lui. Et il fait de son mieux pour profiter de chaque seconde qu’il peut utiliser en ce sens. “Quel genre de métier vous pouvez faire pour aimer à ce point l’Histoire ? ” Il prie silencieusement pour que ce ne soit pas un prof d’Histoire aussi et encore moins un collègue de son père. Il a toujours eu le sentiment que le sort s'acharne sur lui et qu’y aurait-il de pire que cela pour l’abattre définitivement ? Mais si c’était le cas, ça lui semble assez peu probable qu’il n’ait jamais remarqué cet homme au lycée par le passé. Il est presque sûr qu’il ne verrait que lui peu importe où il aurait la chance de le croiser. C’est le cas ce soir, en tout cas. Ce parfait inconnu qui n’a pas peur de faire ce que d’autres trouveraient peu recommandable est devenu son centre de gravité, la seule source de lumière dans son champ de vision. C’est un peu effrayant, d’une certaine façon, mais totalement enivrant aussi. Au point qu'il n'a pas même prêté attention au serveur revenu leur déposer leurs verres et n'a toujours fait aucun signe pour prendre le sien.

Désormais, il était captivé. Totalement pris dans la conversation. Il l'avait lancé sans vraiment s'en rendre compte, et il en était vraiment satisfait. Il avait cru sentir de la gêne, et surtout, en ressentir lui-même, ce qui était particulièrement étrange, vu que jamais ça ne lui arrivait. Oh, ça non. Il était suffisamment à son aise dans ce genre d'échange pour que rien ne lui échappe. Et peu importait bien ce qu'il s'était passé la semaine. Peu importait son travail, son père, Vanessa, tout. Et il écoutait, très intéressé, le jeune homme parler.
«Les apparences sont donc trompeuses.» conclua-t-il. «J'aurais toutefois pensé que l'histoire rendait particulièrement curieux.» Ou peut-être pas, finalement. Il marqua tout de même le compliment, et sourit. «Je suis donc une raison suffisamment bonne.» nota-t-il, à toute fin utile. C'était une information qui lui faisait étrangement plaisir, et qui laissait s'évacuer une sensation de chaleur en lui. «Au moins, ça vous aura fait venir, et passer du temps avec moi.» Lui, évidemment, il avait plus de mal à faire des compliments. Ce qu'il voulait dire, c'était qu'aujourd'hui, c'était Henry, sa bonne raison de quitter la ville, et d'aller à la lisière. Pour une fois qu'il avait une bonne raison, une vraie !

Et à la question de ce qu'il faisait dans la vie, il arracha un sourire à Marvin. «Oh, c'est vrai ? Voilà qui doit être... intéressant.» Sûrement pas son truc, mais dans le fond, si Marvin arrivait à lui soutirer des infos, il pourrait essayer d'aider sa mère et le groupe qu'elle avait rejoint de l'extérieur de la ville. Et peut-être que lui même arriverait à ouvrir les yeux de certains, dont ceux de Vanessa. «Vos supérieurs ne sont pas trop difficiles ?» Après tout, pour lui, le gouvernement était une véritable complication, et rempli d'absolus crétins qui pensaient que de mettre des règles qui ne les favorisaient qu'eux étaient tout à fait légitime. Comme si c'était vraiment le cas.. Il fit mine de trouver l'idée intéressante. «Et vous gagnez vraiment ces points, au moins ?» Sourit-il, pas forcément rassuré que ça ne soit particulièrement utile. Après tout, lui aussi, il avait gagné des points, et changé de caste. Pour autant, désormais, il faisait attention de ne pas en perdre plus que ce qu'il en gagnait, histoire de ne pas être ni rétrogradé, ni de perdre son profil B, ni de perdre ses accès aux informations grâce à sa place de professeur. «Moi ? Je suis professeur de lettres historiques et philosophiques. Un grand mot n'est-ce pas ?» rit-il légèrement. «Tout ça pour dire, que j'enseigne, à travers la littérature, la philosophie et l'histoire. Et parfois, je fais des cours d'une des trois matières. Bref. Là non plus, rien de bien excitant.» ajouta-t-il en levant les mains. L'histoire était juste très intéressante, notamment pour essayer d'ouvrir discrètement les yeux à ses élèves, et de créer une génération critique. Mais en apparence, rien de fou.

Intéressant, vraiment ? Même la façon dont Marvin le dit sonne fausse, poussant James à se mordre la lèvre, mal à l’aise. C’est sûr que ce doit être cent fois moins passionnant que de s’intéresser à l’Histoire, à ce qui a fait que leur monde en est là aujourd’hui, mais à vrai dire le jeune homme ne s’était jamais encombré de savoir ce qu’il pensait réellement de son métier avant ce soir. Il se trouve à une place bien différente que celle dont il rêvait autrefois, mais c’est un détail incroyablement futile à côté de tout ce qui ne lui convient pas dans la vie qu’il mène. “J’ai assez peu de contact avec les gens hors du service informatique.” admet-il lorsque Marvin s’inquiète de savoir s’il n’a pas trop de mal à supporter ses supérieurs. Il ne voit même pas ce qu’il pourrait y avoir de dérangeant dans cette question, ce qu’elle pourrait sous-entendre pour d’autres. “Quant aux points…” De toute évidence, il en a suffisamment pour avoir une très bonne place dans la société, mais est-ce vraiment utile dans le fond ? Il hausse les épaules alors qu’il regarde ses doigts posés sur la table. “La vie est un peu plus qu’une collection de points, vous ne croyez pas ?” Il aurait juste aimé s’en rendre compte un peu plus tôt, mais c’est une autre histoire. “Je ne suis plus très sûr de vraiment tenir aux miens, en tout cas.” Ce soir, il se dit qu’il les échangerait volontiers pour avoir un homme comme celui-là dans sa vie, mais après tout s’il continue de faire n’importe quoi c’est peut-être exactement ce qui l’attend.

James n’en est pas moins ravi de pouvoir changer de sujet de conversation et son sourire revient sans mal quand l’homme lui dit qu’il est professeur. Ça ne l’étonne même pas, à vrai dire, ça semble tellement logique, tellement… ironique. Il se redresse et appuie son visage sur une main, se détend de nouveau alors qu’il n’est plus tellement question de lui. “À quel niveau enseignez-vous ?” demande-t-il seulement en retour. “Je suis à peu près sûr que c’est toujours plus excitant que d’être enfermé dans une pièce remplie de serveurs toute la journée. Si vous cherchez l’endroit le moins amusant du monde, venez faire un tour dans mes locaux, vous verrez…” C’est pourtant un travail qui lui convient bien, le fait d’être relativement seul surtout. Détail qui ne risque pas de le présenter sous son meilleur jour et qu’il se garde donc de partager. “Vous au moins, vous participez à ce que les générations futures ouvrent un peu leurs esprits. Ce que je fais est beaucoup moins noble. Ça doit être passionnant, quand vous tombez sur les bons élèves, bien sûr.” Ça explique aussi sûrement qu’il soit tellement assuré, que tout ait l’air plus facile pour lui. On ne peut pas être une petite chose timide quand on doit captiver tout un auditoire et conserver une certaine forme d’autorité, pas vrai ?

Il imagine sans mal Marvin parler à tout un amphithéâtre remplis d’élèves venus l’écouter avec attention et se fait même la réflexion que s’il avait eu un professeur comme ça quand il était encore étudiant, sa vie aurait été cent fois plus difficile et intéressante à la fois. Un air presque rêveur s’est installé sur son visage, alors qu’il observe l’homme et se perd quelque part entre le moment présent et son imagination. Quand son téléphone sonne soudainement, c’est une véritable douche froide qui le ramène à la réalité. Il sursaute légèrement et son coude glisse sur la table, l’obligeant à se redresser brusquement pour ne pas s’affaler comme un crétin. Il a un mal fou à sortir le téléphone de sa poche et ne parvient absolument pas à cacher sa déception quand il voit le nom d’Eden qui brille sur l’écran de l’appareil. Il raccroche, pousse un soupir. La fête est finie, visiblement. C’est vrai que ce n’est pas dans ses habitudes d’être encore dehors aussi tard et qu’il n’a vraiment aucune idée de comment il compte expliquer ça à sa femme. “Je suis désolé, mais je vais devoir rentrer chez moi…” souffle-t-il, déçu. Il n’a même pas touché à sa bière et tant mieux d’une certaine façon. Au moins il est sûr que tout ça est réel et que ça n’a rien à voir avec une quelconque ivresse. “J’avais promis à mon neveu de venir l’aider pour un projet scolaire.” ment-il, car que peut-il faire d’autre ? Il est adulte, c’est compliqué d’expliquer pourquoi il doit soudainement rentrer chez lui à moins de s’humilier en prétendant qu’il vit toujours chez ses parents ou tout gâcher en parlant de sa femme.

Il se lève à contrecœur, mais se retourne bien vite vers la table et surtout vers Marvin qu’il n’a vraiment pas envie de laisser là comme ça. Est-ce qu’il peut lui demander son numéro ou quelque chose comme ça ? Ça lui semble tellement ridicule, il n’est pas fait pour ça. Et puis finalement, un bref regard vers la fenêtre lui offre une excuse plutôt facile pour avoir droit à encore quelques minutes. “Est-ce que… Enfin, vous voulez bien me raccompagner en ville ?” demande-t-il, avant de décider presque immédiatement que c’est vraiment une excuse pathétique. “Enfin, je peux marcher si vous voulez rester encore.” ajoute-t-il donc précipitamment. Même s’il n’a franchement pas envie de marcher pendant Dieu sait combien de temps dans l’espoir de retrouver la ville alors qu’il n’a clairement aucune idée d’où ils sont et de comment retrouver son chemin.

L'écouter, c'était un réel plaisir. Si bien que Marvin en avait des étoiles plein les yeux. C'était juste.. Il était presque émerveillé par sa façon de parler, de rendre tout plus intéressant. Jusqu'ici, il n'avait jamais rencontré personne capable de capter son intérêt si longtemps. Et bien, lui y était arrivé. Si bien qu'il en oubliait presque de répondre à sa question, qui aurait tout aussi pu être une rhétorique. Il était certain que la réponse de Marvin, s'il avait pensé à répondre aurait été que oui, les points n'étaient pas ce qui définissait la vie, loin de là. «Qu'est-ce qui vous a fait changer d'avis, concernant vos points ?»

Il buvait chacune de ses paroles, suspendu à ses lèvres, attendant inlassablement de nouvelles paroles pour expliquer ou compléter ce qu'il disait. C'était.. réconfortant de finalement trouver quelqu'un capable de capter toute son attention avec cette facilité déconcertante à partir du moment où il avait commencé à se décontracter. Et à parler, évidemment.
«J'enseigne en université. Même si désormais, j'ai l'impression que les étudiants ressemblent plus à des élèves, pas forcément indépendants, avec ce besoin constant d'avoir quelqu'un pour réguler leurs vies, leurs problèmes, les notes qu'ils ont prises des cours. Je vous avouerai que je me demande quel impact ces enseignements auront sur les générations futures. C'est comme si, tel qu'on les forme, ils ne sont plus capable d'affronter le moindre aléa de la vie.» Dit-il en pensant à Swan Cooper qui était venu le voir pour une histoire qu'il n'était pas en mesure de régler, mais qui pesait tout de même sur ses épaules.

«Leurs esprits sont peut-être plus ouvert, en tout cas, c'est ce que je souhaite. Mais ils ne sont pas très autonome. Peut-être que l'autonomie viendra avec l'ouverture d'esprit ? Je le souhaite, néanmoins. » Finalement, au moment où il s'arrête, le téléphone d'Henry se met à sonner. Et c'est le sursaut général, ce qui arracha un franc sourire à Marvin. Il hocha la tête suite à son affirmation. Certes, la soirée avait été de courte durée, mais elle n'en était pas moins intéressante. Oh, ça non. C'était un véritable plaisir que d'avoir eu à parler avec ce fameux Henry. «Je comprends, aucun problème. Ce n'est pas moi qui vais vous empêcher d'aider votre neveu avec ses devoirs.» fit-il, en tentant un peu d'humour. Il comprenait, oui, mais il était tout de même un peu déçu. Et cette tentative de blague aidait à le cacher.

Alors que l'homme se levait, Marvin s'affaissa dans son fauteuil, buvant le reste de sa bière, avant qu'Henry ne se retourne vers lui. Il lui sourit, comme un au revoir, alors qu'il venait lui faire une dernière demande. «Oh oui, bien sûr, pas de problème !» dit-il, en posant la bouteille vide, qu'il désigna du regard. «Promis, ça n'est pas une bière qui me mettra KO !» Il offrit un clin d'oeil à son interlocuteur, avant de se lever, et de se diriger dehors pour aller à son vélo, sur lequel il se mit avant de mettre son casque, en attendant James. Il alluma sa lumière avant, et celle de l'arrière du vélo, et une fois James attelé sur le Vélo, il commença à pédaler, aidé par l'impulsion électrique.

Un immense sourire éclaire le visage de James lorsque l’homme accepte de le raccompagner sans même prendre la peine d’y réfléchir. Il essaye de le cacher un peu, mais c’est peine perdue et tout juste s’il ne suit pas Marvin à l’extérieur en sautillant. Avant de le rejoindre, il va payer leurs consommations sans y réfléchir à deux fois lui non plus, bien inconscient du fait que ce n’est peut-être pas très malin de laisser des preuves de son passage ici. Dehors, l’angoisse revient assez vite, mais le jeune homme est incapable de savoir si c’est parce qu’il n’est pas prêt à dire au revoir ou parce qu’il doit de nouveau grimper à l’arrière du vélo. Il s’efforce de ne pas y penser. Rien de ce qui est arrivé ce soir n’aurait dû se produire en premier lieu, alors autant profiter du temps qu’il reste sans se poser de question, non ? Presque convaincu, il reprend donc sa place sur la selle, s’accroche à la taille de Marvin et sourit comme un crétin presque tout le temps qu’ils passent à rouler avant de rejoindre l’intérieur de la ville.

Il demande à l’homme de le déposer à l’arrêt de tram le plus proche, comme si lui cacher l’endroit où il vit pouvait entretenir le charme encore un moment. Malheureusement, malgré les longues minutes qu’ils passent sur la route, c’est encore trop vite au goût de James qu’ils s’arrêtent enfin à destination. Il est de plus en plus silencieux et nerveux à mesure que la fin approche, mais pense s’en sortir plutôt bien pour ne pas trop le montrer. Il n’y a que dans le sourire un peu forcé qu’il lève vers l’homme quand il est debout près du vélo qu’on trouve un véritable indice que ça ne va pas si bien que ça. “Merci.” souffle-t-il en passant une main dans sa nuque. “De m’avoir raccompagné et... pour cette soirée.” Elle n’a sans doute pas été assez longue pour atteindre son plein potentiel, mais c’est assez ironiquement l’un des meilleurs moments que James ait passé de toute sa vie. Il évite de le dire en ces termes, cependant, bien conscient que ça le ferait passer pour un crétin plus qu’autre chose.

Un instant, il reste planté là, désespéré de trouver autre chose à dire pour faire durer le moment. C’est quand il sent son téléphone qui s’agite une seconde fois dans sa poche qu’il revient sur Terre, frustré. Il n’en veut pas vraiment à Eden de lui gâcher ce moment, mais ça l’agace de devoir toujours renoncer à ce qui le rend heureux pour préserver les apparences. Ce ne sera pas comme ça, pas cette fois. “Marvin !” appelle-t-il, alors qu’il sort son téléphone et raccroche une fois encore au nez de sa femme. “Est-ce qu’on peut se revoir ?” Il va droit au but et ce n’est probablement pas la meilleure façon de s’y prendre, mais il n’a plus tellement de temps à perdre. Il se sent tout de même beaucoup moins assuré quand il croise le regard de l’homme. “On a à peine eu le temps de discuter vraiment.” explique-t-il comme s’il avait besoin de se justifier. “On peut peut-être remettre ça un soir où je n’aurais pas à prendre la fuite précipitamment ?” Il n’est pas sûr qu’un tel moment existe dans sa vie, mais il compte bien trouver.

Il écoutait, buvait les paroles de l'homme face à lui. C'était la première fois qu'il rencontrait quelqu'un qui lui donnait l'impression d'être réellement intéressant. Et pourtant, Marvin partait du principe que toute histoire était bonne à entendre et à reprendre, puisque c'était à base d'histoires personnelles que se dressait la grande Histoire, avec un grand H. Jusqu'au moment fatidique, arrivant bien trop tôt, où il remarqua l'heure et décida de s'envoler. Mais.. Combien de temps s'était écoulé depuis le début de leur discussion ? Pas suffisamment, c'était certain.

Il restait à la table avec cette impression de s'être fait larguer avant que quoi que ce ne soit commence. Jusqu'à ce que finalement, Henry lui demande s'il voulait bien le raccompagner. Une aubaine Que Marvin avait été loin de refusé, décidant de braver la nuit et le frais du soir juste pour quelques minutes volées auprès d'Henry.


Ils arrivaient en ville, à contre-coeur pour Marvin, mais qui comprenait que l'heure tournant n'était pas son amie, d'autant qu'Henry semblait avoir ses projets et ses obligations personnelles, là où lui n'en avait pas vraiment. Il soupira, et se laissa atteindre d'un sourire franc, bien qu'emplit d'une certaine tristesse et désillusion, avant de répondre. «Oh mais c'est normal. Je n'allais pas vous laisser vous perdre dans la forêt qui borde notre joli district.» Et pour une fois, il n'y avait pas d'ironie. Ce district, il avait appris à en voir sa beauté, bien que l'extérieur était tout aussi beau. C'étaient ses règles qui le rendait plus difficile à vivre, presque irrespirable. «Merci à vous aussi.»

Il allait s'en aller et s'en retourner, quand Henry l'interpella. Premièrement surpris, il se retourna ensuite vers lui, attendant la suite, qui lui arracha un nouveau soupir, cette fois-ci, à la fois soulagé et heureux de la proposition du jeune homme.
«Avec grand plaisir !» dit-il franchement, souriant le plus légèrement possible, bien que ce ne soit déjà trop par rapport à ce qu'il voulait montrer. Il haussa les épaules. Un soir ? Ok, pas de souci. «Dites moi quand, dites moi où, et je serai là.» Cette fois-ci, il lui laissait le loisir du choix de l'endroit, et retirait au hasard la possibilité de choisir la date. Et avant de partir, s'il hésita une demi-seconde, il s'approcha de lui, le tirant par sa veste, et l'embrassa doucement. Une erreur ? Il ne le définirait pas comme ça. Mais comment savoir ?